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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/20

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lyriques et les choreutes se contentent de les écouter, sans intervenir[1]. Dans l'Œdipe à Colone cet empiétement sera plus grand encore.

D’ailleurs on admet généralement aujourd’hui que les Trachiniennes ont été écrites après l’Héraclès d’Euripide. On a relevé dans les deux pièces des similitudes d’expression qui sont singulières[2]. Cela ne nous dit pas qui des deux a imité l’autre. Un fait plus important nous permet d’arriver à une quasi-certitude.

A la fin de l’un et de l’autre drame Héraclès endormi est exposé aux yeux du public. Les sentiments des assistants sont identiques : ils contemplent le malheureux avec une compassion mêlée de terreur. Identique aussi est le mouvement des deux scènes : d’abord Héraclès dort, puis il remue, s’éveille, éclate en retentissantes clameurs. Ce mouvement est dirigé dans les deux cas par un homme âgé, Amphitryon dans l'Héraclès, un Vieillard dans les Trachiniennes. Mais quel est ce Vieillard qui jusqu’ici n’a pas eu de rôle dans la pièce ? Sophocle ne le dit pas. Une scholie nous apprend qu’il est un serviteur d’Héraclès et qu’il vient avec lui de l’Eubée[3]. Cela explique-t-il qu’il ait assez d’autorité pour donner des ordres, faire des reproches[4] à Hyllos, fils de son maître ? Dans Euripide, Amphitryon avait naturellement cette autorité. Le Vieillard de Sophocle, — ce Vieillard qui disparaît si singulièrement du drame, quand la scène du réveil est terminée, — ne serait-il pas

  1. Trach. 1005-1043.
  2. Héraclès parlant de ses Travaux dit dans les Trach. 1101 : ἄλλων τε μόχθων μυρίων έγευσάμην, dans l'Héraclès, 1353 : ἀτἁρ πόνων δἠ μυρίων ἐγευσάμην. On admettra difficilement que l’identité d’expression soit fortuite. Les autres exemples allégués (cf. Jebb, Introduction de ses Trachiniae, p. XLIX sq. note 3) sont moins évidents, sauf cet autre vers des Trach. 416 : λέγ᾽, εἴ τι χρῄζεις καἱ γἁρ ού σιγηλὁς εἴ qu’on trouve aussi dans les Suppliantes d’Euripide, 567 : λέγ᾽ εἴ τι βούλει καἱ γἁρ ού σιγηλὁς εἷ. Les Suppliantes ont été écrites après la paix de Nicias.
  3. Schol. Trach. 1018.
  4. Trach. 974 sqq.