J’ai cru que l’étranger chez lui l’emporterait,
À son funeste sort ainsi l’arracherait ;
Mais à de plus grands maux sa destinée affreuse
Le réservait... — Ta vie... ! elle est bien malheureuse !
Si c’est toi qu’il désigne !...
Plus d’espoir ! ô destin je suis à ta merci !
J’ai vécu, je mourrai l’effroi de la nature,
Les forfaits les plus noirs souillent ma vie impure.
À mes parents, au lieu de sentiments d’amour,
Je n’inspirai qu’horreur ! oui, j’ai ravi le jour
À qui me l’a donné ! Destins inexorables !
À ma mère par vous des liens exécrables
M’ont uni... Sort fatal !... Je succombe à tes lois !
O soleil ! je t’ai vu pour la dernière fois[1] !!!
Des mortels ici-bas la race infortunée
N’est rien qu’ombre et fumée !
À peine ont ils goûté le bonheur un instant,
Qu’il n’est plus que néant !
D’une félicité, d’une gloire parfaite
- ↑ Nous avons cru devoir rejeter à la fin des paroles d’Œdipe, cette idée qui nous y semble bien mieux placée. Le mauvais génie d’Œdipe, cette ironie de la fatalité antique, lui fait maudire la lumière du jour et lui inspire déjà maintenant un désir, qui, par un hasard en apparence, allait se réaliser aussitôt.
- ↑ Le chœur, considérant l’ancienne prospérité d’Œdipe et la misère qui vient de l’engloutir, déplore les vicissitudes humaines en général, et s’écrie : O races mortelles, que vous êtes nulles ! Pindare (Pyth. VIII, 135) dit que les hommes sont le songe d’une ombre.
« Comme pour calmer de si violentes émotions, dit M. Patin, se font entendre des chants d’une expression mélancolique, où le chœur, ému de pitié, mais de cette pitié qui ne s’échappe pas, comme chez Voltaire, en blasphèmes, se borne à montrer dans Œdipe le plus frappant exemple, le symbole de la vanité du bonheur humain. »