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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/117

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ŒDIPE.
Phébus m’a, chers amis, par ces maux éprouvé,

Mais mon bras seul, mon bras de mes yeux m’a privé.
Pour les autres ce jour, en agréments fertile
Eût accru mes douleurs ! La vue est inutile
À qui n’a plus à voir que malheurs et fléaux !

LE CHŒUR.
Hélas ! il est trop vrai qu’elle accroîtrait tes maux !


ŒDIPE.
Qu’ai-je encore en effet à voir, aimer, entendre

Qui puisse m’inspirer quelque sentiment tendre ?
Rien ! tout m’est interdit. Hâtez-vous, mes amis,
Que ce monstre au plus tôt soit loin de ce pays !
Chassez un parricide, un odieux coupable
Que les Dieux ont chargé de leur haine implacable !

LE CHŒUR.
Œdipe, je voudrais que jamais à mes yeux

Ne se fût présenté d’homme si malheureux !

ŒDIPE.
Qu’il tombe anéanti sous le courroux céleste

Le mortel qui, touché d’une pitié funeste,
À délivré mes pieds de leurs liens cruels
Et conservé des jours malgré moi criminels !
Sur mes amis, sur moi, que de douleurs amères
N’auraient jamais pesé !

LE CHŒUR.
Tes affreuses misères

M’obligent de souscrire à ces vœux de ton cœur.

ŒDIPE.
D’assassiner mon père aurais-je eu le malheur ?

M’aurait-on vu souillé par un inceste infâme !
Et ma mère l’eût-on nommée un jour ma femme ?
Serais-je le mortel le plus infortuné,