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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/118

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Fils impur de parents impurs[1], et condamné
Par le sort à s’unir par des liens coupables
Aux flancs qui l’ont porté. Fléaux épouvantables,
Vous êtes tous tombés, vous pesez tous sur moi !

LE CHŒUR.
Mais quels que soient les maux qu’on voit fondre sur toi,

Je ne puis approuver cette horreur inouïe,...
Se mutiler ainsi !... mieux vaut perdre la vie !

ŒDIPE.
Qu’on cesse de parler des maux que j’ai soufferts,

Ils sont selon mes vœux. De quel œil aux enfers
Aurais-je regardé ma mère infortunée,
Mon père assassiné ?... Ma triste destinée
Était de me punir des forfaits inouïs
Que sur l’un et sur l’autre hélas ! j’avais commis.
Aurais-je pu vivant voir mon affreuse engeance
Souillée avec horreur de sa seule naissance ?
Non, non, je ne verrai jamais devant mes yeux
Ces enfants, ni ces murs, ni ces autels des Dieux !
Malheureux ! je me suis banni de ma patrie,
Où jadis, dans le sein d’une cité chérie,
Plein de gloire et d’honneur, je coulais d’heureux jours !
Je ne verrai donc plus ces palais ni ces tours !
J’ai déversé sur moi l’opprobre et l’anathème.
Le criminel, fût-il du sang de Laïus même !
Ai-je dit, ô Thébains ! il doit être chassé
De vos murs, vil mortel par vous tous repoussé !
C’en est fait ; je voudrais encor perdre l’ouïe,
Pour fermer toute entrée à la crainte inouïe
Des nouvelles horreurs qui peuvent m’arriver.
O Cithéron !... pourquoi du trépas me sauver[2] ?

  1. Voyez vers le milieu, la note 12 de la page 113.
  2. Quel contraste entre les exclamations d’Œdipe et la brillante glorification du Cithéron dans le chant sublime d’un chœur précédent !