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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/120

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Mais dans ces mêmes flancs où je fus renfermé
Tu fais rentrer ce sang dont tu m’avais formé ;
Par là naissent impurs et des fils et des pères,
Des frères, des époux, des femmes et des mères, »
Et tout ce qu’on peut voir de désordres affreux
Surgir d’un même lit, de parents monstrueux !
C’en est trop ! rougissons de ces horreurs sans nombre,
Amis, indiquez-moi quelque retraite sombre
Ou faites-moi mourir ; lancez-moi sans retard
Dans un gouffre profond, pour que de mon regard
Nulle personne ici ne soit plus profanée !
Ah ! veuillez accomplir ma triste destinée !
Venez, d’un malheureux sans crainte approchez-vous[1],
Sur lui seul doit tomber le céleste courroux !...

  1. Ne craignez point de toucher un malheureux mortel. Les anciens avaient une aversion naturelle de tout contact avec un homme que le sort avait accablé et jeté dans la misère. L’Évangile seul nous a fait connaître le malheur comme digne de notre compassion et de notre sympathie. Nous trouvons cependant une noble exception dans la Nausicaa de l’Odyssée, VI, 186. Ses nobles sentiments envers l’infortuné Ulysse sont dépeints avec une sensibilité touchante. Tout le monde connait l’histoire du Samaritain.
    L’idée de Sophocle est : Ne vous éloigne : point de moi, par crainte du contact ; mes maux sont si immenses, qu’ils ne peuvent être destinés que pour moi, et ne se communiquent à personne.