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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/125

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Ont plongé votre père en cet horrible état.
Reconnaissez celui dont l’infâme attentat,
Par un crime inouï qui souilla cette terre,
Vous fit naître des flancs d’une coupable mère !
Combien sur votre sort mes yeux versent de pleurs !
Je pressens de vos jours les amères douleurs.
Quelles solennités, par les Thébains données,
Pourront vous réjouir, filles infortunées !
Vous n’en reviendrez point sans honte, sans chagrin...
Plus tard, quand vous serez à l’âge de l’hymen ,
O mes chères enfants ! hélas ! quelles familles
Se chargeraient d’opprobre en admettant mes filles ?...
Car quel forfait, quel crime ici n’a-t-on point vu ?
Vous avez dû le jour au sein qui m’a conçu !...
Fruits de l’inceste, enfants d’un parricide père,
Pour dot qui recevrait de vous honte et misère ?
O mes filles, personne !... Un mépris éternel,
Vierges, vous flétrira d’un célibat cruel..
Mais vous serez leur père, ô fils de Ménécée !
Nulle par vous jamais ne sera délaissée !
Elles sont votre sang et n’ont d’espoir qu’en vous,
Sans biens et sans amis, sans soutiens, sans époux...
Vous ne souffrirez point que la faible innocence
Comme un coupable père éprouve la souffrance.
Donnez-moi votre main, ô mortel généreux !
Pour gage que par vous seront remplis mes vœux.
Sans leur âge si tendre, à des filles si chères
Que j’aurais à donner de conseils salutaires !
Voici mon dernier vœu : Daigne les préserver
Le ciel de tous ces maux qu’il me fit éprouver !...

CRÉON.
Seigneur, retirons-nous, c’est trop verser de larmes,