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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/126

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Rentre dans le palais, dissipe tes alarmes !

ŒDIPE.
J’obéis, quoi qu’il puisse en coûter à mon cœur.


CRÉON.
Il te faut modérer ta cuisante douleur.



ŒDIPE.
J’y consens, mais j’implore une grâce dernière.


CRÉON.
Laquelle ?


ŒDIPE.
Que je sois banni de cette terre !


CRÉON.
Mais des Dieux seuls tu peux avoir cette faveur

si triste.

ŒDIPE.
Et moi qui vis à leurs yeux en horreur !


CRÉON.
C’est pourquoi tu verras ta prière exaucée.


ŒDIPE.
Peux-tu me l’assurer ?


CRÉON.
Oui, telle est ma pensée.


ŒDIPE.
Prince, il suffit : fais-moi mener hors de ces lieux.


CRÉON.
Viens ; laisse tes enfants.


ŒDIPE.
Ce bien si précieux[1]

Ne me le ravis point.

  1. M. Patin observe ici que les principaux traits du caractère emporté, orgueilleux, opiniâtre, d’Œdipe reparaissent même dans la peinture de son abaissement, conformément au principe d’Horace : Servetur ad imum !! qualis ab incœpto.{g|Au héros jusqu’au bout gardez son caractère !|4}}C’est là une grande leçon !
    Créon, dit fort bien Dacier, craint avec raison qu’en l’état où il est, un moment de désespoir ne le porte à ajouter le meurtre de ses enfants à ses autres crimes.
    La scène est vide ; il ne reste que le chœur livré aux puissantes impressions des faits déroulés devant lui, lesquelles il résume dans les derniers vers de cette touchante et sublime tragédie.