Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/150

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Au crime, au châtiment malgré vous destiné,
Vous seriez trop heureux de n’être jamais né.
 

ŒDIPE.
J’ai forcé jusqu’ici ma colère à t’entendre ;

Si ton sang méritait qu’on daignât le répandre,
De ton juste trépas mes regards satisfaits
De ta prédiction préviendraient les effets.
Va, fuis, n’excite plus le transport qui m’agite,
Et respecte un courroux que ta présence irrite ;
Fuis, d’un mensonge indigne abominable auteur.

LE GR. PRÊTRE.
Vous me traitez toujours de traître et d’imposteur :

Votre père autrefois me croyait plus sincère.

ŒDIPE.
Arrête ; que dis-tu ? qui ? Polybe mon père…


LE GR. PRÊTRE.
Vous apprendrez trop tôt votre funeste sort ;

Ce jour va vous donner la naissance et la mort !
Vos destins sont comblés, vous allez vous connaître.
Malheureux ! savez-vous quel sang vous donna l’être ?
Entouré de forfaits à vous seul réservés,
Savez-vous seulement avec qui vous vivez ?
O Corinthe ! ô Phocide ! exécrable hyménée !
Je vois naître une race impie, infortunée,
Digne de sa naissance, et de qui la fureur
Remplira l’univers d’épouvante et d’horreur.


ACTE IV. — SCÈNE Ire.

Cette longue scène due à Sophocle est une des plus belles de l’Œdipe de Voltaire. Les trois autres scènes de ce même acte sont aussi presque entièrement empruntées au tragique grec.


ACTE V.

L’acte V, quoique ce ne soit aucunement celui de Sophocle, devrait aussi être reproduit à peu près en son entier. Ainsi, pour ces deux derniers actes tout remplis d’imitations ou de traductions de passages de Sophocle, devons-nous renvoyer au théâtre de Voltaire, dont tout le monde d’ailleurs est a même, on ne peut plus facilement, de se procurer ou de consulter l’Œdipe, qui, malgré toute son imperfection, a commencé et fondé la réputation de est homme universel.



IMITATIONS DE CHÉNIER.

L’Œdipe-Roi, de M.-J. Chénier, ayant été entrepris à peu près comme une traduction, quoiqu’elle soit si incomplète, si mutilée et si tronquée partout, et le plus souvent si peu exacte et si infidèle, il nous faudrait ici reproduire cette tragédie en entier, mais il serait inutile d’en grossir ce volume, attendu que tous ceux qui s’occupent tant soit peu de littérature ont le théâtre de Chénier.

Au reste, dans notre seconde édition, notre cadre beaucoup plus vaste nous permettra de réunir les principales traductions ou imitations en diverses langues, avec des commentaires philologiques et critiques beaucoup plus complets que dans ce premier essai. La conscience de difficultés réellement inouïes nous oblige à le présenter au public avec une franche modestie, avec une humilité sincère, avec une défiance extrême de nos forces pour une lutte que nous n’aurions peut-être pas entreprise, si nous avions pu voir d’avance toute l’énormité d’une tâche des plus belles mais des plus pénibles qu’on puisse imaginer.