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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/55

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Toi seul fis naître ici le fléau délétère.
De la clarté du jour ton œil encor jouit,
Mais bientôt tu seras dans la plus sombre nuit.
En te chassant d’ici deux cruelles Furies
Sur toi seul vengeront tant d’horreurs impunies.
Quel Cithéron, quel autre en ses détours affreux[1],
Ne va point retentir de tes cris douloureux,
Lorsque tu connaîtras l’exécrable hyménée
Dont tu n’attendais point l’issue infortunée !
Non, tu ne connais pas cette chaîne d’horreurs
Qui doit t’assimiler à tes fils ! ô douleurs[2] !
Sur Créon et sur moi décharge ta colère,
Tes jours seront-ils moins flétris par la misère ?

ŒDIPE.
Faut-il hélas ! souffrir ces discours odieux ?...

Misérable, va-t’en, fuis à jamais nos yeux !

TIRÉSIAS.
Ton ordre, dans ces lieux, appelait ma présence.


ŒDIPE.
Eh ! l’eussé-je donné, soupçonnant ta démence ?


TIRÉSIAS.
Mais ton père jamais ainsi ne m’a traité.


ŒDIPE.
Quel est-il, selon toi ?
  1. Quel Cithéron ? C’est une allusion pour la suite : Œdipe ignorait qu’il eût été exposé sur ce mont. Dans cette scène, Tirésias fait prononcer à Œdipe bien d’autres menaces enveloppées et énigmatiques, dont il n’y a que la suite qui puisse dévoiler le sens au roi thébain. Le Cithéron était à peu de distance de Thèbes ; cette montagne était fertile et célèbre à plusieurs égards ; elle se trouvait entre la Bœotie et l’Attique.
  2. T’assimiler à tes enfants. Ce mot désigne, sans trop le faire entendre, les nouveaux liens qui vont se découvrir entre ses enfants et lui, entre lui et Jocaste : ἄ σ᾽ἐξισώσει σοί τε καὶ τοῖς σοῖς τέκνοις.