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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/65

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CRÉON.
Sur des faits inconnus j’aime fort à me taire[1].


ŒDIPE.
Mais ce qui te regarde, au moins tu le connais.


CRÉON.
Que dirais-je ? seigneur ! hélas ! ce que je sais

Je pourrai l’avouer.

ŒDIPE.
Cet habile prophète

N’aurait jamais, sans toi, rejeté sur ma tête
Le meurtre de Laïus.

CRÉON.
Ce devin t’a parlé :

Tu sais ce qu’il a dit, ce qu’il t’a révélé ;
Mais je dois, à mon tour, t’interroger toi-même.

ŒDIPE.
Fais-le, je ne crains rien de ton audace extrême.


CRÉON.
Sous les lois de l’hymen tu te vis engagé

Avec ma sœur.

ŒDIPE.
C’est vrai.


CRÉON.
N’as-tu point partagé

Sa fortune et joui du pouvoir avec elle ?

  1. Sur ce que je ne sais pas, j’aime, c’est-à-dire, j’ai coutume de me taire. Horace a dit de même :
    Aurum per medios ire satellites

    Et perrumpere amat saxa.

    H. III, od. 16, v. 9.

    Les Français disent fort bien aussi en ce sens : J’aime à ne point parler de ce que j’ignore. Cette réflexion juste et vraie n’en est pas moins belle et profonde ici, quelque simple qu’elle soit naturellement.