De moi l’obtient sans peine.
Ne suis-je pas traité comme un égal, seigneur ?
De m’expliquer sur tout laisse-moi le loisir,
Comme j’ai fait. Qui donc concevrait le désir
De préférer un trône , où l’on craint et chancelle,
Où l’on ne peut compter sur un peuple infidèle,
Au sort presque royal où le plus doux repos
Donne une gloire pure, exempte de tous maux[1] ?
Tels sont mes vœux, seigneur, tels sont ceux du vrai sage[2] ;
Né sans ambition, j’aime mieux en partage
Le titre de sujet que le sceptre de roi ;
Sans alarmes, je vois mes vœux comblés par toi.
Quels seraient mes soucis, si je régnais moi-même !
Sans en avoir les soins, j’ai ton pouvoir suprême :
Tout prévient mes désirs, et chaque citoyen
Flatte et séduit mon cœur pour arriver au tien ;
Par moi seul tes faveurs souvent sont obtenues.
Sans doute il me faudrait avoir d’étroites vues,
- ↑ Cette morale, et par conséquent la justification de Créon, ne seraient pas reçues aujourd’hui ; mais le sceptre n’était pas alors en Grèce ce qu’il est parmi nous. Hippolyte parle de même dans la Phèdre d’Euripide. Voyez la scène V de l’acte IV. Ces deux morceaux, de deux tragiques différents et si distingués, montrent à l’évidence que cette morale était alors celle des philosophes.
- ↑ On trouve dans les paroles de Créon, ces maximes stoïciennes dont Cicéron parle dans ses Offices : l’honnête joint à l’utile, la vertu à l’intérêt, etc.