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Page:Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/88

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JOCASTE.
Comment peut-il en naître et l’espoir et l’effroi ?


LE BERGER.
De Corinthe l’on doit élire Œdipe roi ;

Le suffrage de tous l’appelle à la couronne.

JOCASTE.
Quoi ! le vieux roi Polybe aurait quitté le trône ?


LE BERGER.
Il a quitté la vie !


JOCASTE.
O ciel ! Polybe est mort !


LE BERGER.
Si je ne vous dis vrai, tel soit aussi mon sort !


JOCASTE, (à ses femmes).
Femmes  ! allez porter au roi cette nouvelle !

D’un oracle insensé prédiction cruelle !
Que deviens-tu ? Jadis, afin qu’il évitât
Sur ce vieillard Polybe, un fatal attentat,
Œdipe a fui tremblant le palais de son père ;
Polybe n’est point mort de sa main meurtrière[1] !


Scène III.

ŒDIPE, LES MÊMES.
ŒDIPE.

Tête chère, à mes maux toi qu’on voit compatir,

Jocaste, du palais pourquoi dois-je sortir ?</poem>

  1. Il n’est pas mort sous lui, dit Sophocle, sous les coups d’Œdipe. Voilà de ces coups de théâtre, de ces révolutions tragiques qu’on ne peut assez admirer, quand elles tiennent à l’ensemble de la pièce, et sont amenées pour produire de si grands effets. Jocaste, au milieu de ses craintes, commence à respirer : elle se rassure et veut rassurer Œdipe ; mais ce qui ranime un moment leur confiance, va les plonger l’un et l’autre dans un profond désespoir, dans un abîme de maux épouvantables.