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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/343

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reux pleuraient les malheurs de leur mère, dont l’hymen leur avait donné une naissance si funeste ; elle descendait des antiques Érechtides ; fille de Borée, nourrie en des antres écartés et au sein des orages paternels, elle devançait les coursiers sur la glace affermie ; dans ses veines coulait le sang des dieux[1], et cependant, ô ma fille, les Parques immortelles ne l’ont point épargnée.


TIRÉSIAS.

Chefs de Thèbes, nous avons fait route ensemble, deux à deux, éclairés par les yeux d’un seul ; car les aveugles ne peuvent marcher sans guide.

CRÉON.

Qu’y a-t-il de nouveau, vieux Tirésias ?

TIRÉSIAS.

Je te l’apprendrai ; et toi, crois aux paroles du devin.

CRÉON.

Jusqu’ici du moins, je ne me suis point écarté de tes avis.

TIRÉSIAS.

C’est pour cela que tu as bien dirigé le gouvernail de l’État.

CRÉON.

Je puis témoigner qu’ils m’ont été utiles[2].

TIRÉSIAS.

Songe que tu es encore maintenant dans une conjoncture critique[3].

CRÉON.

Qu’y a-t-il ? tes paroles me font frissonner.

TIRÉSIAS.

Tu le sauras ; écoute ce que va révéler mon art. J’étais

  1. Érechthée , père d’Orithye, fut mis au rang des dieux : il était un des héros éponymes, c’est-à-dire qu’il donna son nom à une des tribus d’Athènes. Borée, père de Cléopâtre, était de race divine.
  2. C’est par le conseil de Tirésias qu’un fils de Créon s’était dévoué pour le salut de la ville.
  3. ᾿Επὶ ξύρου τύχης, sur le rasoir de la fortune : être sur le tranchant du rasoir ; métaphore déjà employée dans l’Ajax (v. 785, p. 36). Voyez aussi Iliade, X, 173 ; Théognis, 537.