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Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/433

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Iole, qui ne répond pas un mot à toutes ses questions. Et lorsqu’elle veut tirer de Lichas la vérité sur les rapports d’Hercule avec la jeune captive, avec quelle habileté elle dissimule la jalousie qui la dévore ! « Au nom de Jupiter... ne me cache pas la vérité ; tu ne parles pas à une femme cruelle ou ignorante des choses humaines ; elle sait qu’aucun bonheur n’est durable. » — On ne peut méconnaître dans tout ce rôle une délicatesse exquise, et un tact qui révèle la profonde connaissance du cœur des femmes. Que dire aussi de cette figure d’Iole, si légèrement touchée, de ce profil si noble et si gracieux, que le poète a indiqué en passant, et sans même qu’elle ouvre la bouche, seulement par quelques paroles de Déjanire ? Il y a certainement là un grand peintre.

Le Chœur a donné lieu à quelques observations ; on a trouvé qu’il jouait un peu trop le rôle du confident des tragédies françaises, et que la part qu’il prend à l’action est trop passive. Cependant ses chants sont bien appropriés aux situations. Le premier morceau lyrique chanté par les Trachiniennes est non-seulement riche de poésie, mais il concourt aussi à l’émotion générale, en entrant dans les sentiments des personnages. Au sortir d’une nuit remplie par les anxiétés de Déjanire, le Chœur débute fort bien par une magnifique invocation au Soleil, qui voit tout, et il lui demande de faire connaître le séjour d’Hercule, pour calmer les regrets et les alarmes de son épouse. En général, les autres chants du Chœur sont comme une transition qui prépare le spectateur aux événements qui vont suivre. Après la mort de Déjanire, et à l’approche d’Hercule, le chant, jeté entre la double catastrophe, est empreint d’une terreur profonde.

Dans les plaintes d’Hercule mourant, le poëte semble décrire avec complaisance les souffrances physiques du héros ; il en retrace tous les détails avec un soin, une exactitude, une justesse d’expressions, que trouveraient difficilement les modernes. Nous avons vu ailleurs qu’il en est de même des souffrances de Philoctète, qui sont tout aussi corporelles ; l’origine en est la même, c’est le poison des flèches d’Hercule. C’est là un trait particulier des mœurs grecques,