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Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/35

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ce compagnon, se tenant les côtés, lui-dit à plusieurs fois qu’il regardât à l’une des fenêtres du château. Le curé, levant la vue vers ce lieu, aperçut ce qui les émouvoit à tenir cette sotte contenance, et n’en jeta qu’un éclat de risée tort modéré, pour faire le sérieux et le modeste. Vous êtes de vrais badauds, dit-il, de faire les actions que vous faites pour si peu de chose : l’on connoît bien que vous n’avez jamais rien vu, puisque le moindre objet du monde vous incite à rire si démesurément que vous semblez insensés. Je ris, quant à moi, mais c’est de votre sottise : que sçavez-vous si ce que vous voyez n’est point un sujet qui vous devroit inciter à jeter des larmes ? Nous sçaurons tantôt du seigneur Valentin ce que tout ceci veut dire et quels jeux l’on a joués cette nuit en sa maison.

Comme le curé achevoit ces images, il arriva près de lui beaucoup de paysans qui, étonnés du merveilleux spectacle, interrogèrent le voleur et Catherine, qui les avoit mis là ; mais ils n’en surent tirer de réponse. Les pauvres gens baissoient honteusement la tête, et il n’y eut que le voleur qui dit à la fin que l’on le tirât du lieu où il étoit, et qu’il conteroit tout de point en point. Le curé dit à ceux qui l’accompagnoient qu’il falloit avoir patience, que Valentin eût ouvert le château, et il y en eut qui tournèrent à l’entour, afin de voir s’il n’y avoit point quelqu’un aux fenêtres pour l’appeler. Une plaintive voix parvint à leurs oreilles, du creux du fossé qu’ils côtoyoient ; ils jetèrent leurs yeux en bas, et aperçurent la cuve d’où il n’y avoit pas longtemps que Francion étoit sorti après être revenu de pâmoison. Il s’étoit senti si foible qu’il avoit eu beaucoup de peine à se retirer d’un si mauvais lieu, tellement qu’il étoit couché auprès pour se reposer. Comme les paysans le virent tout en sang, ils descendirent vers lui, et l’un d’eux s’écria : Miséricorde ! c’est mon hôte, ce dévot pèlerin qui demeure en ma maison depuis quelques jours. Mon cher ami, reprit-il en se retournant vers lui, qui ont été les traîtres qui vous ont si mal accoutré ? Otez-moi d’ici, repartit Francion, secourez-moi, mes amis ; je ne vous puis maintenant rendre satisfaits sur ce que vous me demandez. Quand il eut dit ces paroles, les villageois le retirèrent de là, et, comme ils le portoient à son hôtellerie, ils rencontrèrent un de ses valets qui fut bien étonné de le voir en l’équipage où il étoit. Ce qu’il