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AVANT LE PARNASSE

Cette merveille se dresse à la croisée des routes qui conduisent à la poésie parnassienne ou à la poésie pure, mais elle a paru dans le Parnasse de 1866[1].


CHAPITRE III
Louis Bouilhet

Ce qui fait la grandeur de ce mouvement, c’est qu’il n’est pas concentré dans le milieu parisien, c’est qu’il y a en France, de ci, de là, un effort pour se dégager du romantisme usé, pour le remplacer par une nouvelle forme d’art plus précise, plus nette. C’est le cas de Louis Bouilhet, un des premiers parnassiens sortis du romantisme[2]. C’est un précurseur du Parnasse.

Chaque samedi, ayant achevé à Rouen son labeur de tâcheron intellectuel, et donné ses dernières leçons de la semaine, Bouilhet s’en va à Croisset rejoindre son grand ami. Se sentant isolés dans Rouen, dédaigneux alors de la richesse littéraire, Bouilhet et Flaubert unissent leurs deux solitudes d’esprit, et sont l’un pour l’autre tout un monde artistique. En dehors du romantisme, et en opposition avec lui, les deux compagnons élaborent ensemble, dès 1852, une esthétique qui ressemble fort à la doctrine parnassienne, et la précède. Flaubert apporte les idées générales, par exemple sa conception de la moralité dans l’art : « il faudrait s’entendre sur cette question… Ce qui est beau est moral ; voilà tout, selon moi. La poésie, comme le soleil, met de l’or sur le fumier. Tant pis pour ceux qui ne le voient pas[3] ». C’est encore lui qui trouve la théorie de l’impersonnalité dans l’art, et qui s’en fait l’ardent apôtre : « il n’admettait pas, dit G. de Maupassant, que l’auteur fût jamais deviné, qu’il laissât tomber dans une page,

  1. Elle avait été publiée déjà trois fois, dans des revues, en 1861, 1862 et 1863 ; cf. l’édition Charpentier de 1917, p. 358.
  2. A. Bellessort, Journal des Débats du 25 janvier 1928 ; R. Pichon, R. D. D.-M., Ier septembre 1911, p. 134 ; cf. mon Louis Bouilhet romantique et parnassien dans la Revue des Cours et Conférences, 30 juin 1926, p. 561 sqq.
  3. Correspondance, IV, 373-374.