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À CÔTÉ DU PARNASSE


Et plus bas, lentement, que des vierges d’Argos
S’avancent d’un pas sûr en deux chœurs inégaux ;
Et les cheveux tressés sur leurs têtes étroites.


« Le bas-relief est parfait, conclut l’auteur des Lundis ; on croit voir un beau vase antique[1] ». Faut-il partager l’illusion de Sainte-Beuve ? Oui, si nous en croyions Banville : il se représente comme ayant, malgré tout son romantisme, rejeté la mythologie des démons, et restauré les vrais dieux de la poésie ; même, en antidatant un peu, je pense, il proclame qu’il était, « dès son entrée dans la vie, pénétré de cette vérité que les hellènes sont nos véritables aïeux spirituels… Cette parenté spirituelle de la France avec le pays sacré des Eschyle et des Pindare est l’âme même de notre poésie[2] ». Ses rapports avec le Parnasse ne font que l’ancrer dans cette idée qu’il est, par Chénier, un descendant des Grecs. Il admire à fond les théories de Louis Ménard, l’helléniste de l’École[3]. Leconte de Lisle exerce aussi une réelle influence sur ce côté du talent de Banville[4].

Je reconnais que beaucoup ont cru à l’hellénisme de Banville[5] ; en particulier sa mythologie plaisait fort à Swinbume, qui la croyait exacte : dans un délicieux sonnet écrit en vers français sur la mort de Mélicerte, ou de Banville, il a dit :


Dieux exilés, passants célestes de ce monde,
Dont on entend parfois dans notre nuit profonde,
Vibrer la voix, frémir les ailes, vous savez

S’il vous aima, s’il vous pleura, lui dont la vie
Et le chant rappelaient les vôtres. Recevez
L’âme de Mélicarte affranchie et ravie[6].


Mais les œuvres de Mélicerte sont-elles si grecques que cela ? Oui, dit Baudelaire, qui y retrouve « les élégances contenues de la poterie antique[7] ! »

Il faut concéder qu’on entend souvent dans ses poésies une note purement parnassienne, ou encore qu’il a mis à la mode les poèmes à forme fixe, et notamment le pantoum qui est un redoutable tour

  1. Lundis, XIV, 80-81.
  2. Critiques, p. 132 ; préface du Sang de la Coupe, dans Les Cariatides, p. 280.
  3. Ibid., p. 280-281 ; Critiques, p. 419,189 ; cf. Fuchs, article cité, p. 400.
  4. Raoul Rosières, Revue Bleue du 24 novembre 1894, p. 643.
  5. Par exemple Laurent Tailhade, Les Commérages de Tybalt, p. 119.
  6. Supplément littéraire du Figaro, 5 novembre 1927.
  7. L’Art Romantique, p. 367.