Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
À CÔTÉ DU PARNASSE

lique, il veut créer le romantisme gai[1]. De là son amour pour Tragal-dabas[2]. Sauf cette nuance, c’est un romantique intégral. Il suffit du reste pour s’en convaincre d’enregistrer les déclarations du poète :


Nous chantions la rime, Arcades
Ambo, de nos voix fanatiques,
Oh ! mon cher Catulle Mendès,
Et nous étions des romantiques[3] !


Il s’incline même devant les poetœ minores de l’École ; il écrit à Émile Deschamps, en 1870 : « nous, vos disciples, et votre reflet[4] ». Le reflet d’Émile Deschamps ! C’était un excès d’humilité ; mais il y avait vraiment en lui un reflet de Musset, fort souvent, et fort longtemps[5]. Comme il a le courage de ses opinions, comme il ne renie pas ses dieux, c’est en plein Parnasse, dans le tome II du livre officiel de l’École, qu’il publie la Ballade de ses regrets pour Van 1830 :


Je veux chanter ma ballade à mon tour !
Ô Poésie, ô ma mère mourante,
Comme tes fils t’aimaient d’un grand amour,
Dans ce Paris, en l’an mil huit cent trente…
Enfant divin,’ plus beau que Richelieu,
Musset chantait ; Hugo tenait la lyre,
Jeune, superbe, écouté comme un dieu.
Mais à présent, c’est bien fini de rire[6].


Il est inutile d’accumuler ici toutes les preuves d’enthousiasme pour son Dieu que Banville a semées dans ses œuvres, depuis le jour où il lui envoyait ses premiers vers, le 31 décembre 1841, jusqu’à son dernier soupir. Ses lettres à Hugo sont un long cri d’adoration ; le cri est plus fort quand l’œuvre qu’il admire est inférieure comme Les Chansons des rues et des bois[7]. Ses actes sont plus significatifs encore : Le National ayant refusé son compte rendu de la reprise de Lucrèce Borgia en 1881, Banville donne sa démission : « il serait incompréhensible pour tout le monde, et plus encore pour

  1. Critiques, p. 132-133.
  2. Odes funambulesques, p. 169.
  3. Dans la Fournaise, p. 184 ; cf. la préface des Odes funambulesques, p. 179-180.
  4. H. Girard, Un Bourgeois dilettante, p. 505-506.
  5. Cariatides, p. 43-72, 117-121, 127-132 ; Le Sang de la Coupe, p. 310 ; cf. Siciliano, p. 26-32, 50-52.
  6. Parnasse Contemporain de 1869, p. 47.
  7. G. Simon, Revue de France, Ier avril 1923, p. 513 sqq.