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HISTOIRE DU PARNASSE

L’athlète grec si fin, de lignes sobres, se dilate ici, se gonfle, et étale des effets de pectoraux comme un hercule de foire. Les Ménades, pour tuer Orphée, se procurent des armes imprévues,


Même, pour l’en frapper, dans les sillons bourbeux,
Arrachant follement les cornes des grands bœufs[1].


Pour augmenter l’horreur qu’il inspire, le sanglier d’Érymanthe devient carnivore[2] ! Détails, dira-t-on, et qu’est-ce que prouvent des détails ? Prenons donc tout un poème, Le Forgeron ; « scènes héroïques » annonce l’auteur. Jupiter se défie de l’Amour qui égale l’homme aux dieux, et serait capable de lui faire découvrir tous les secrets de la matière ou de la mécanique, comme la locomotive ou le dirigeable (sic). Il enferme donc l’Amour, et le met à la torture. L’Amour s’échappe de sa prison et, pour se venger, crée Vénus : théogonie nouvelle, amusante par certains détails : Junon, prudente et protocolaire, ne veut pas qu’on présente Vénus à la cour de Jupiter, parce qu’elle est nue. Jupiter, pour arranger les choses, déclare à Vénus qu’elle sera mariée le jour même. Jusqu’ici Le Forgeron rappelle à la fois le Satyre et La Belle Hélène. Le lecteur attend toujours les scènes héroïques promises. Celles qui suivent ne sont même pas érotiques. Apollon et Bacchus posent leur candidature. Pallas prêche à Vénus le célibat, avec d’étranges compensations. Diane préconise la chasse, ses chastes fatigues, et ses joies barbares :


Téter sauvagement la mamelle d’une ourse
Et me rassasier de son lait que je bois
Me plaît…


Jupiter se met enfin sur les rangs, mais Vénus se méfie : il la quitterait, pour d’autres vierges,


Ces nobles jeux, tandis que to Et moi, pour éclairer
Ces nobles jeux, tandis que tomberont leurs voiles,
Si tu veux, je tiendrai dans les mains des étoiles !


Elle lui prédit la victoire de l’homme qui noiera ses foudres dans un puits (Franklin ! Déjà !), et lui annonce l’arrivée de Jésus.

Mercure aussi tente sa chance ; mais comme il a perdu depuis le prologue de l’Amphitryon ! Finalement, c’est Vulcain qui gagne. Il n’a pas les paroles dorées des autres dieux, mais il a forgé pour

  1. Cariatides, p. 18.
  2. Les Exilés, p. 11-12.