Du reste, à quoi bon des hypothèses ? Ne tenons compte que des faits. Le fait est que seuls Silvestre et Glatigny peuvent se réclamer de lui. Le premier a avoué, célébré cette influence, mais cela ne suffit pas, car il faut se défier du témoignage de Silvestre : il est capable d’affirmer qu’il n’a jamais mis les pieds chez V. Hugo, qu’il n’a pas assisté à la veillée nocturne près du corps du Poète, puis, à douze pages de distance, il raconte qu’il l’a veillé jusqu’à l’aube[1].
Son excuse, c’est qu’il est avant tout homme d’imagination, poète par la naissance, en proie au démon de la poésie[2] ; écrivant des vers comme d’autres respirent, et pourtant dominant cette fougue, l’astreignant à une discipline raisonnée, cherchant jusque chez les classiques le secret de la poésie, le trouvant chez Racine, goûtant « le charme limpide du vers Racinien, cette sérénité douce des mots qui semblent emportés par une onde[3] » ; puis, demandant à Émile Deschamps les procédés du vers moderne, apprenant de lui « le catéchisme de l’art », frappé par cette formule du vieux romantique : « la forme n’est rien, mais rien n’est sans la forme[4] ». À cette école, il avait appris encore « que la rime était la règle suprême de notre poésie…, que la rime n’était jamais assez riche…, qu’il fallait être, en art, bon ouvrier avant tout[5] ». Il avait ensuite trouvé, chez Gautier, cet idéal réalisé. Il savait par cœur les Émaux et Camées : dans son voyage en Russie, visitant au château de Peterhof la grande salle de gala toute blanche, il entend aussitôt la Symphonie en blanc majeur chanter à son oreille[6].
Ces différentes « caravanes » l’amènent jusqu’à Banville, d’abord son maître, puis vite son ami : c’est Banville qui trace du bel Armand le portrait le plus flatté que nous en ayons[7] ; à charge de revanche :