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HISTOIRE DU PARNASSE

Rhinocéros en mal d’enfant, paroles de Verlaine et de Lepelletier » l’assistance hurle en chœur le refrain :


Et quand le rhinocéros
Qui avait avalé un os
Mourait du tétanos, etc.[1]


La fête tourne au sabbat, comme dit Verlaine dans un sonnet un peu familier, dédié à la dame :


Sculpteur, musicien, poète
Sont ses hôtes. Dieux, quel hiver
Nous passâmes ! Ce fut amer
Et doux. Un sabbat ! une fête[2] !


À force de souper, de boire, et surtout de veiller, les nerfs se tendent. Les poètes deviennent irritables, fébriles[3]. Rollinat semble aux Goncourt le produit le plus réussi « de cet atelier de détraquage cérébral qui a fait tant de toqués, d’excentriques, de vrais fous ». Toute la journée il rêve au moment où il pourra courir vers cette maison où ces intelligences révoltées, chauffées à l’alcool, « se livrent à toutes les débauches de la pensée, à toutes les clowneries de la parole, remuant les paradoxes les plus crânes, et les esthétiques les plus subversives : résultat ? — Une sorte d’ivresse intellectuelle, hachichée, disait Rollinat, qui empêchait tout travail, le mettant tout entier dans la dépense orgiaque de la conversation[4] ». Mme de Callias n’aurait pas pu protester contre cette description de son salon, puisqu’elle même l’appelle son petit Chafenton[5].

Il y a encore quelques belles journées chez celle qui se nomme maintenant Nina de Villard. Pour sa fête, elle joue avec Richepin un drame qu’ils ont écrit en collaboration, Le Moine bleu, parodie osée des drames de V. Hugo. En l’honneur de cette caricature monstre, les Parnassiens corrects, qu’on ne voyait plus chez Nina, reviennent un soir : Coppée, France, Valade, Mallarmé, Heredia, et même Leconte de Lisle[6]. Par quelle astucieuse négociation Nina obtient-elle en 1869 les honneurs du Parnasse ? Elle y pénètre en même temps que Charles Cros, qui a, au minimum, corrigé l’envoi

  1. Dreyfous, p. 47-48.
  2. Verlaine, Œuvres, I, 308.
  3. Lepelletier, p. 182-183.
  4. Goncourt, Journal, VII, 113.
  5. Ricard, Le Petit Temps, Ier juillet 1899.
  6. Goudeau, Dix ans, p. 108-110 ; de Bersaucourt, p. 143-145.