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À CÔTÉ DU PARNASSE

de Nina ; d’autres prétendent que c’est Anatole France[1]. Pour mettre tout le monde d’accord, on peut supposer que, là encore, Cros et France ont collaboré : Cros aurait corrigé le sonnet sur La jalousie du jeune Dieu : un savant trouve dans une hypogée un pied de momie ; pur, il conservait


Le charme doux et froid des choses virginales ;
L’amour d’un jeune dieu l’avait pris enfantin.
Ayant baisé ce pied posé dans l’autre monde,
Le savant fut saisi d’une terreur profonde
Et mourut furieux le lendemain matin.


En revanche, A. France a dû donner des conseils pour l’autre sonnet, Tristan et Iseult :


Iseult

Ô timide héros oublieux de mon rang,
Vous n’avez pas daigné saluer votre dame !
Vos yeux bleus sont restés attachés sur la rame.
Osez voir sur mon front la fureur d’un beau sang.

Tristan

J’observe le pilote assoupi sur son banc,
Afin que ce navire où vient neiger la lame
Nous conduise tout droit devant Tépithalame.
Je suis le blanc gardien de votre honneur tout blanc.

Iseult

Qu’éclate sans pitié ma tendresse étouffée !
Buvez, Tristan 1 Je suis la fille d’une fée :
Ce breuvage innocent ne contient que la mort.

Tristan

Je bois, faisant pour vous ce dont je suis capable.
Ô charme, enchantement, joie, ivresse, remord !
Il renferme l’amour, ce breuvage coupable !


C’est là le zénith de la pauvre Nina. Elle avait eu l’imprudence de laisser les futurs grands hommes de la Commune envahir son salon ; à la répression elle crut sage de partir pour la Suisse. Au

  1. Lepelletier, p. 205 ; Ricard, Le Petit Temps, Ier juillet 1899, et Revue (des Revues), Ier février 1902, p. 309.