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VERS LE PARNASSE

CHAPITRE III
Catulle Mendès et son groupe

Pour juger son rôle littéraire, il est indispensable de connaître sa valeur morale. Tâchons d’esquisser, en quelques traits, sa physionomie. Il y a de lui un portrait peint en 1865, qui donne l’impression de la plus éclatante beauté ; il rappelle Hugo jeune et triomphant, avec la même chevelure magnifique, rejetée en arrière : « Apollon en personne », disait Louis Ménard[1]. Mais qu’y a-t-il derrière ce merveilleux visage ? Que vaut la moralité de Mendès ? En cherchant bien on lui trouve deux qualités : il est brave, bon camarade ; et puis c’est tout. Son beau-père malgré lui, Théophile Gautier, qui a refusé d’assister au mariage, résume ses impressions sur son gendre dans cet à peu près : Crapulle Membête[2]. Il se laisse voir à pur et à plein pendant la veillée du corps de Hugo : avec deux autres, il commence par se lamenter, et réciter des vers ; puis, il a soif : il épuise d’abord les rafraîchissements préparés dans la maison mortuaire ; il continue la fête dans un petit café de l’avenue d’Eylau ; puis ils rentrent tous les trois reprendre leur veillée : « c’était, nous en assure M. Léon Daudet, quelque chose de lamentable que le spectacle de ces hommes de valeur, à peu près ivres, autour du corps d’un vieillard pour lequel ils avaient eu, de son vivant, tant de vénération[3] ».

Surtout depuis sa mort, Mendès n’a pas une bonne presse[4]. On se méfie de cet homme qui n’est pas sûr ; par exemple, ce francmaçon très actif, dissimule tant qu’il peut son tablier. Cet admirateur de Villiers de l’Isle-Adam lui prête un rôle ignoble dans La Maison de la Vieille, où Villiers apparaît sous le nom d’Odon. Mendès écrit des romans qui relèvent non de la critique littéraire, mais du Parquet. Ce n’est plus de l’art sensuel, mais de la simple

  1. Il a été reproduit dans Les Annales du 14 février 1909, p. 157 ; Mme Adam, Mes Sentiments, p. 54 ; Th. de Banville, La Lanterne magique, p. 249-250.
  2. Talmeyr, Correspondant du 10 décembre 1925, p. 709 ; Calmettes, p. 224-225 ; M. Dreyfous, Ce que ie tiens à dire, p. 90-94, 100-104.
  3. Études et Milieux littéraires, p. 252. En effet, dans La République des Lettres du 4 mars 1877, Mendès publie sur La Légende des Siècles un article qui est un vrai cri d’amour : « Ce que je pense de ce livre ? Qu’il est sublime, etc. »
  4. Guiches, Revue de France, février 1925, p. 610.