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VERS LE PARNASSE

aurait littéralement appris l’art de la versification[1]. Le plus curieux c’est que Catulle Mendès dit fort exactement la vérité, avec même une nuance de modestie, car il diminue la valeur du service rendu, tandis que François Coppée a profité de toutes les occasions pour publier la gratitude qu’il devait à celui qui lui avait révélé les secrets du métier : « je dois une reconnaissance infinie à Mendès ». Le reconnaissant Coppée va même jusqu’à affirmer que, jusqu’en 1864, Mendès est le véritable centre du mouvement poétique[2].

Sans doute, nous l’apercevons dans la carrière, s’agitant au milieu des parnassiens qui s’efforcent d’arriver au but[3]. Mais est-il le cocher ou la mouche du coche ? Verlaine prend au sérieux comme chef ce magicien ; il loue « son esprit séduisant mais impérieux de propagande, quelque chose comme le maître, tout en restant leur bon et fraternel camarade, de ces jeunes esprits[4] ». Lui-même attribue sa vocation poétique à un des plus beaux vers de Mendès :


Lorsque j’étais un tout petit poète en marche,
En herbe bien plutôt, et perdu dans l’espace,
« Je t’aime ! dit l’essaim des colombes qui passe »
Et ce vers fut vraiment ma colombe de l’arche[5].


Verlaine n’est pas seul à penser ainsi : Léon Dierx, l’ami et le disciple de Leconte de Lisle reconnaît l’importance de Mendès comme chef. Ayant survécu à presque tous les parnassiens, Dierx, au soir de sa vie, évoque leurs fantômes,


Les bons croisés portant la croix de l’art en eux.


Parmi ces chevaliers de la Beauté qui commencent à devenir indistincts dans les brumes de l’oubli, il en distingue nettement un, le plus haut de taille, Mendès,


… qui leur sourit, la hampe illustre au poing[6].


Mendès est-il vraiment le signifer des Parnassiens ? Quelques-uns l’ont dit ; lui-même l’a prétendu, avec des formules de modestie à la Victor Hugo : il a eu, dit-il dans son Rapport, « l’honneur de prendre part — la plus humble, sans doute, mais, par la date, l’un

  1. La Légende du Parnasse, p. 205-206, 216-218.
  2. Coppée, Toute une Jeunesse, p. 147 sqq. ; de Lescure, Fr. Coppée, p. 32-49.
  3. Valabrègue, Revue Bleue du 7 avril 1894, p. 442.
  4. Œuvres, V, 86, 141.
  5. Ibid., p. III, 273.
  6. Poésies Posthumes, p. 9.