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HISTOIRE DU PARNASSE

des premiers, — aux combats d’où mes amis sont sortis triomphants[1] ». Je crois plus vrai de dire qu’il fut pendant deux ou trois ans le roi des futurs parnassiens, et qu’il fut ensuite dépossédé par Leconte de Lisle. De là toutes ses roueries pour donner le change, pour sauver par les mots le rang qu’il avait perdu dans la réalité ; de là aussi toutes ses sournoiseries contre L. de Lisle, chose assez naturelle, car, après avoir été pendant quelque temps chef d’orchestre, il est dur de n’être plus qu’un premier ou un second violon.

À peine le Parnasse de 1866 a-t-il paru, que Th. Gautier, avec une ironie très apparente, met Mendès au rang des simples disciples : « Pandit élevé à l’école du brahmine Leconte de Lisle, il explique maintenant les mystères du lotus, célèbre l’enfant Krichdna, etc.[2] ». Tout en rongeant son frein, Mendès est bien obligé d’en convenir : « il serait absurde de dire que j’aurais écrit Le Mystère du Lotus, où pourtant se révèle déjà ma médiocrité spéciale (cette humilité semble fort adroite) si Leconte de Lisle ne m’eût offert, dans ses poèmes hindous, la beauté des Védas[3] ». Mais quoi ? Il s’est fait recommander par Banville à Louis Ménard, pour que celui-ci veuille bien le présenter à Leconte de Lisle. Malgré sa valeur magistrale, Mendès montre à la première entrevue une humilité d’élève. Leconte de Lisle devine en lui une force à utiliser à son profit ; en effet, Mendès, plein d’entregent et d’astuce, lui rend, près du pouvoir, de signalés services[4]. Auprès des Parnassiens, Catulle Mendès se fait le thuriféraire du patron ; il écrit à Coppée, en 1869 : « Lemerre publie en ce moment l’Hésiode et les Hymnes Orphiques, qui ont dans la traduction de notre cher et grand maître un superbe caractère hiératique[5] ». Leconte de Lisle se laisse servir, assez dédaigneusement ; il y a de la mésestime dans cette lettre à Heredia, du 22 juin 1871 : il trouve le livre d’Armand Silvestre sur la Commune « bien mal écrit, bien pâle et bien froid… Mais c’est un chef-d’œuvre, comparé aux 73 jours de la Commune par Catulle. Imaginez-vous une longue série de mensonges impudents et ridicules. Tout le monde sait qu’il invente les aventures dans lesquelles il a le plus grand soin de figurer héroïquement, puisqu’il n’a pas quitté Saint-Germain où il s’était réfugié. Cet homme si

  1. Rapport, p. 142.
  2. Gautier, Rapport, p. 562.
  3. Mendès, Rapport, p. 115.
  4. Calmettes, pp. 137-138, 115, 336.
  5. P. p. Monval, Revue de Paris, Ier mars 1909, p. 83.