entouré d’une certaine déconsidération. Il y a sur lui des histoires louches, qui ne sont peut-être pas exactes, mais qui montrent un discrédit étrange[1]. Cladel l’avait cruellement surnommé : le Christ qui a trahi Judas[2] ! Avec un pareil écriteau dans le dos, on a beau se pavaner en tête d’un mouvement, on n’est pas suivi. On attire l’attention des badauds, et c’est tout. Comment les Parnassiens auraient-ils pu songer à prendre pour guide définitif un écrivain qui, lui-même, cherche ses directions aux quatre vents de l’esprit, Hugo, Baudelaire, Banville, Leconte de Lisle ? Nous avons essayé de mettre en lumière, loyalement, ce qu’il a de vraiment original. Mais cette originalité n’est qu’un coin perdu dans un talent fait surtout d’imitation, et je ne vois guère, dans toute la critique que Mirbeau pour nier ce psittacisme[3]. Tous les autres, à la suite de Jules Tellier qui a dit là-dessus la vérité définitive, reconnaissent à Mendès surtout le talent du pasticheur[4] ; ce n’est même pas une affaire de talent, mais de nature : c’est le type caméléon, d’autant plus curieux qu’il est en quelque sorte irresponsable : ce qu’il admire, il l’imite, spontanément, candidement, pour ainsi dire malgré lui[5]. Il peut être à volonté n’importe quel autre poète ; on le voit très bien composant à lui tout seul un quatrième volume du Parnasse Contemporain, et faisant du Dierx mieux que Dierx. Y a-t-il des moments où Mendès soit lui-même ? Il fait son examen de conscience, et se reconnaissant pécheur, c’est-à-dire imitateur, il demande à Dieu l’originalité dans sa Prière du matin :
Seigneur favorable au cœur qui t’honore,
Féconde en ce jour mon labeur sonore.
Donne-moi d’avoir un Penser nouveau
Né sans souvenir en mon seul cerveau[6].
Ces journées-là sont rares dans sa vie. Il fait décidément trop de transplantation. Il tient le Baudelaire à la perfection. Dans les Soirs moroses, le sonnet Soror Dolorosa semble une Fleur du Mal.
- ↑ Carnets intimes de R. de Montesquiou, Nouvelles Littéraires du 21 juillet 1928.
- ↑ Talmeyr, Correspondant du 10 décembre 1925, p. 709 ; cf. L. Daudet, Au Temps de Judas, p. 99.
- ↑ Cf. Huret, Enquête, p. 215, et Jean Hytier, Le Plaisir poétique, p. 98.
- ↑ Jules Tellier, Nos Poètes, p. 200-201 ; Clouard, La Poésie française moderne, p. 44 ; Boschot, Chez nos Poètes, p. 75-76.
- ↑ Léon Daudet, Les Œuvres, p. 36.
- ↑ Choix de Poésies, p. 210.