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HISTOIRE DU PARNASSE

Ajoutons : même Baudelaire. On désire fort sa collaboration : Mendès s’y emploie, et réussit ; voici d’abord la lettre administrative, en style directorial : « nous ne vous interdisons pas de reproduire vos vers dans la prochaine édition des Fleurs. Je vous prierai cependant de ne point les reproduire tout de suite. Envoyez-moi le plus vite possible vos poèmes. Vous marquerez au crayon rouge les pièces que vous désirez voir reproduites dans le Parnasse. Cependant ne pourrez-vous pas me donner quelques poèmes absolument inédits ? Quelques-uns, deux ou trois seulement. Cela serait très important pour notre publication ». Les nouvelles Fleurs du mal sont remises au cabinet de Monsieur le Directeur, et le ton change : l’auteur de Philoméla, qui a vingt-trois ans, daigne se familiariser avec le grand poète qui en a quarante-cinq : « Cher Baudelaire, votre paquet arrive… J’ai violemment admiré : La Voix, La Rançon, L’Hymne, À une Malabaraise. Quelques pièces, trop vives, ne peuvent prendre place dans le Parnasse. Mais il nous reste environ quatre cents vers, et j’ai de quoi faire une feuille avec cela. Je vous enverrai bientôt les épreuves, et une lettre très rapprochée fixera le jour où les cinq louis seront expédiés. Votre Catulle Mendès ». En post-scriptum, un bon conseil : « le dictionnaire de rimes indique fouet d’une seule syllabe[1] ». Baudelaire s’incline : la faute de quantité disparaît. Il remarque, probablement avec un sourire, que Mendès s’adjuge, comme Ricard, toute une feuille de seize pages, toute une livraison, autant qu’à Leconte de Lisle, tandis que Coppée en a huit, Banville sept, Gautier cinq, et Heredia quatre seulement. Et quelles pièces ! Une collection de Bouddhas qui ne sourient plus, et qui grimacent : Yamâ et Yamî, l’enfant Kriçhna, Kamadéva ; dans Le Mystère du Lotus, il chante les effets de la colère de Kâla ( ?) :


Le Çwarga (?) lumineux aux escaliers d’ivoire
N’est plus…
Les Gandharwis (?), orgueil charmant du ciel natal,
Ont cessé d’agiter les nupûras (?) sonores
De leurs pieds que dorait la poudre de santal…
Les Açwins (?) éclatants…


Ahuri, le lecteur se console avec une citation :


Si j’en connais pas un, je veux être pendu !


  1. Crépet, Baudelaire, p. 396-398.