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LE PARNASSE

une mésange : pourquoi ? Les mésanges ne chantent pas ; et puis, que penser de ce finale :


Et quand la voix quitta la terre,
Quand l’oiseau se fut envolé,
Le moine pâle au monastère
Revint mourir, inconsolé.


Cazalis a dû se dire : — c’est bien assez bon pour eux ! — Pour eux, oui ; mais pour Leconte de Lisle ? Le Maître avait été charmant pour lui ; Jean Lahor le consultait, l’admirait, l’imitait même ; n’est-ce pas un souvenir des Nornes, ce passage de Forêt, la nuit :


Univers étemel, arbre toujours vivant,
Yggdrasill, frêne énorme aux vivantes ramures,
Quel esprit est en toi, quel grand souffle, et quel vent
Vient t’émouvoir sans fin et t’emplir de murmures ?


N’est-ce pas encore un hommage à Leconte de Lisle, cette fin des Visions de Dschellaleddin ? Allah lui parle, lui révèle que les âmes sortent de Lui et reviennent en Lui ; pourquoi donc ?


Je vous réponds : mon âme avait besoin de songes,
D’étoiles fleurissant ses mornes nuits d’été
Pour distraire l’horreur de mon éternité 1


Si donc, pour complaire à Cazalis, nous devons le rayer des rôles des Parnassiens, il faut du moins l’inscrire sur la liste des disciples de Leconte de Lisle.

Avec André Lemoyne nous sommes en plein Parnasse : c’est un bon compagnon « petit, maigre, alerte, avec un profil d’oiseau, l’œil émerillonné et la bouche gourmande, nous dit Theuriet ; vif et léger comme une alouette ». C’est un paysagiste. Il va camper son chevalet de poète en Normandie, grisé par la campagne, s’égarant dans les sentiers perdus, en extase devant l’éclair bleu d’un martin-pêcheur, chantant les marins de Granville, rapportant de ces randonnées des études justes de ton, délicates ; toutes raisons pour sympathiser avec Theuriet[1]. Bon camarade, il aime à rendre service : André Theuriet, ayant porté à l’Odéon le manuscrit d’un drame en vers, Jean-Marie, reçoit en échange le numéro d’ordre 306,

  1. Souvenirs, p. 227-228, 229, 274.