Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
LE PARNASSE


Comme tes yeux m’ont fait des peines sans mesure,
Mes vers, en t’exaltant, te seront rigoureux :
Car ton nom nulle part ne sera dit par eux,
Et de le bien garder ta tombe sera sûre !


Comme, malgré tout, il ne s’impose pas à l’intérêt, finissons-en tout de suite avec lui, et voyons ses autres envois. Au Parnasse de 1869, ses camarades libres penseurs durent apprécier une courte pièce dans le genre de Mme Ackermann, Le Blasphème :


Il faut être croyant pour affronter les dieux,


mais on ne croit plus :


Seul, le poète pense aux effrois du passé,
Et parfois rêve, épris des âmes révoltées,
La grandeur du blasphème interdite aux athées.


Tous ceux qui aiment simplement les jolies choses s’arrêtent avec plaisir devant son envoi au Parnasse de 1876, surtout devant de fins croquis d’albums de voyage, comme Les Rues de Venise. Rien de romantique, rien qui rappelle Musset ; à peine une gondole à l’horizon, mais surtout des notations qui auraient réjoui Charles de Nittis, sur ces ruelles si étroites que les yeux de vingt ans peuvent voisiner de tout près, de fenêtre à fenêtre. Verlaine admirait fort Valade, « flûtant de délicieuses et parfois mieux que profondément mélancoliques églogues[1] ». Mais Verlaine ne faisait pas autorité au Parnasse. Mérat et Valade se savaient discutés, loués par quelques-uns, blâmés par les autres ; Mérat était de plus en plus timide, Valade devenait morne : ils ne firent que passer chez Leconte de Lisle ; après quelques apparitions ils s’effacèrent, gênés et se croyant gênants[2]. Dans la bousculade parnassienne, il faut être assez solide pour résister aux bourrades ; les pots de terre sont bien vite des vases brisés. Valade mourut, au grand chagrin de Verlaine[3]. Pour Mérat, qui se considérait comme méconnu, il fit aux Parnassiens, le 16 janvier 1909, la fâcheuse surprise de se suicider[4].

C’était une perte pour le Parnasse. Sans doute il y avait encore Dierx, Sully Prudhomme, Coppée, Heredia, et nous en parlerons

  1. V, 141.
  2. Calmettes, p. 285.
  3. III, 286.
  4. Dreyfous, Ce que je tiens à dire, p. 52 ; Prévost, supplément littéraire du Figaro du 12 janvier 1929.