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HISTOIRE DU PARNASSE

à leur heure. Mais que reste-t-il des petits parnassiens de 1866 ? On pense malgré soi au Bal des Atomes de Rostand. Ils sont bien une douzaine qui ne reparaîtront plus aux futures éditions du Parnasse pour diverses raisons, quelques-uns pour manque de talent : Philoxène Boyer, Auguste de Châtillon, Fertiault, Jules Fomi, Arsène Houssaye, qui est surtout un prosateur, Edmond Lepelletier, Alexis Martin, Alexandre Piédagnel, Francis Tesson, Eugène Villemin, Henri Winter. On peut les abandonner aux amateurs de monographies au microscope[1].

Comme dans les combats homériques, une petite troupe de rois brille au premier rang, mais les soldats sont d’assez modeste valeur. Les chefs mis à part, apparaît vite le simple talent, le talent que tout garçon-poète peut ambitionner. Le génie est rare dans ce livre. C’est un peu la faute de Mendès qui n’a pas réalisé l’intention première du groupe : on voulait faire de ce volume un recueil-manifeste de la nouvelle Ecole. Catulle Mendès se dérobe au milieu de la publication ; il laisse Xavier de Ricard et Lemerre dans l’embarras[2]. Pour obtenir le nombre des livraisons promises, on entasse à la fin des œuvres médiocres, et des noms « destinés à l’obscurité », dit heureusement Verlaine[3]. Malgré tous ces passe-volants, il manque encore une feuille pour compléter un juste volume ; puis il faut relever l’impression de la fin. L’éditeur et le directeur survivant demandent aux dix-sept meilleurs parnassiens de donner chacun un sonnet, et ce sera la dernière livraison. Pour quelques-uns, c’est assez risqué de figurer, au bout de l’exposition, dans ce qu’on appelait jadis le salon d’honneur. Il y a là des voisinages dangereux ; Banville est trop près de Leconte de Lisle : le rapprochement est écrasant. À côté de L’Ecclésiaste, un chef-d’œuvre dont les vers irréprochables expriment parfaitement une idée puissante, La Reine de Saba n’est qu’un cliquetis de mots, sans harmonie :


Son vêtement tremblant, chargé d’orfèvreries
Est fait d’un tissu rare et sur la pourpre ouvert,
Où l’or éblouissant, tour à tour rouge et vert,
Sert de fond méprisable aux riches broderies…


  1. Une des physionomies les plus intéressantes parmi ces figurants du Parnasse est certainement le pauvre Ph. Boyer, qui fut un des collaborateurs de Catulle Mendès à La Revue fantaisiste, numéro du 15 avril 1861, et passim.
  2. Ricard, Le Petit Temps du 3 décembre 1898.
  3. IV, 289.