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LE PARNASSE


À sa ceinture il prit une coupe ancienne
Dans le chêne taillée avec de rudes nœuds,
Et, riant du poison qui dévorait ses moelles,
Il regardait fumer sur ses doigts lumineux
Le vin mystique et doux fait du sang des étoiles.


Ce sonnet de Paul Arène est la perle du Parnassiculet. Un soir où Mme Amélie Ernst avait déclamé la pièce chez Laprade, tout le monde prit ce Bellérophon au grand sérieux, et l’applaudit[1].

Les deux directeurs du Parnasse sont particulièrement visés. En souvenir des sonnets « estrambotes » de Xavier de Ricard, nous trouvons « l’Automate, rondeau estrambote ». Les auteurs du Parnassiculet ont de bons yeux : aucune faute ne leur échappe ; le pauvre Ricard avait commis dans un sonnet, L’Exil, cette niaiserie :


Une femme, aux baisers chastes et sérieux,
A trempé ma fierté dans son amour complice[2].


Il a le désagrément de lire au Parnassiculet le sonnet Avatar :


Près du Tigre, sous l’or des pavillons mouvants,
Dans un jardin de marbre où chante une piscine,
Autrefois je dormis. Une jeune Abyssine
Fort chaste m’enivrait de ses baisers savants.


Mendès retrouve dans les Tristesses de Narapatisejou quelque chose de son Mystère du Lotus :


Iraouady, tes vagues saintes
Aux vagues saintes du Kiendwen
Disent les fureurs et les plaintes
Du fier rajah de Sagawen.


Plus loin, c’est Le Convoi de la Bien-Aimée, coup double à Baudelaire et à Dierx ; celui-ci dans son Soir d’Octobre avait imaginé une sorte d’écho poétique :


Sous une haleine froide au loin meurent les chants,
Les rires et les chants dans les brumes épaisses.
Dans la brume qui monte ondule un souffle lent ;
Un souffle lent répand ses dernières caresses[3]


  1. Clair-Tisseur, Modestes Observations, p. 218 et 219, note 1.
  2. Parnasse, p. 280.
  3. Parnasse, p. 90.