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HISTOIRE DU PARNASSE

Il confie à Huret que « le Parnasse est né d’un besoin de réaction contre le débraillé de la poésie issue de la queue de Murger », Bataille, Roland,… et Jean du Boys[1] ! Ayant plus d’esprit, et de cœur, Heredia ne tient pas rigueur à Daudet[2].

Pourtant la bataille déclenchée par les Parnassiens continue, et la lutte est rude. Contre les Impassibles qui le glacent, Richepin fonde avec Bouchor, Ponchon et quelques autres, le groupe des Vivants[3]. Ils trouvent que décidément il manque quelque chose au Parnasse, ce que Coppée appellera plus tard la divine émotion, ce que Maurice Bouchor définit ainsi à la fin d’un sonnet :


Ô Miranda, voici la dernière chanson :

Écoute, et puisse-t-elle, ennoblissant ma peine,
Faire passer en toi le sublime frisson
Qui nous traverse l’âme au cri d’une âme humaine[4].


Il a une façon plus habile encore de critiquer le chef des Impassibles : il fait l’éloge de Théodore de Banville dans une ballade :


Lorsque morions ou salades
Coiffaient pédaille et chevalier,
Furent faites maintes ballades
Par le très joyeux bachelier
Que le temps ne peut oublier ;
J’ai lu cent poèmes sublimes
Qu’hier on a vu publier,
Mais Banville est le roi des rimes[5].


Les journalistes sont plus durs encore. Aurélien Scholl s’acharne contre Villiers de l’Isle-Adam et contre tout le Parnasse[6]. Ranc reproche à l’École de favoriser le jeu de Napoléon III : avec ses querelles byzantines elle fait diversion à la lutte contre l’Empire[7] ! Pour d’autres raisons, Barbey d’Aurevilly mène contre les Parnassiens une campagne plus dangereuse, dans Le Nain Jaune[8]. L’auteur des Quarante médaillons de l’Académie trouve que la nouvelle école, étant une diminution, ne mérite qu’un diminutif, et publie

  1. Enquête, p. 288.
  2. Enquête, p. 311, 318.
  3. Verlaine, V, 223 ; Huret, Enquête, p. 369 sqq. ; Monval, Correspondant du 25 juin. 1927, p. 921.
  4. J. Tellier, Nos Poètes, p. 197 ; Huret, Enquête, p. 369-370.
  5. La République des Lettres, 24 décembre 1876.
  6. Gustave Kahn, Le Mercure de France, 15 juillet 1922, p. 304.
  7. Ricard, Le Petit Temps du Ier juillet 1899 ; Calmettes, p. 108-113.
  8. Ricard, Le Petit Temps du 6 décembre 1898.