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LE PARNASSE

les Trente-sept médaillonets du Parnasse[1]. C’est de la critique à l’emporte-pièce ; mais, tout en frappant fort, Barbey d’Aurevilly a-t-il visé juste ?

C’est le 27 octobre 1866 qu’il ouvre le feu. Il les blâme d’avoir oublié Auguste Barbier, Victor Hugo, « Lamartine, qui a l’honneur, le fier honneur de n’être plus populaire parmi eux », et surtout son ami Amédée Pommier. Il leur reproche de n’être que des imitateurs : « cette armée de singes qui se croient des hommes, et qui défilent en tambourinant eux-mêmes leur gloire sur la peau d’âne du Parnasse Contemporain,… babouins et ouistitis poétiques ! » Suivent les Médaillonets. Sur les trente-sept, deux seulement sont aimables. Barbey s’arrête devant Théophile Gautier : « Commençons par retourner celui-ci contre le mur, ou par le voiler comme le portrait de ce Doge de Venise décapité pour crime de haute trahison. M. Th. Gautier ne devrait pas être ici. Ce n’est point sa place ». Soit. On comprend moins son indulgence pour Eugène Villemin, l’auteur d’un poème lyrique sur Rachel, insipide et prétentieux ; Barbey le félicite d’être, parmi ces Parnassiens sans convictions et sans croyances, « le seul qui ait dans ses vers une élévation de fierté et une indignation de mépris vraiment dignes d’un homme… » Parmi les trente-cinq autres, d’Aurevilly distingue le petit groupe de Banville : « la poésie de M. Théodore de Banville n’est rien de plus qu’une décoction fade, dans un verre de Bohême vide, de la poésie d’André Chénier et de V. Hugo ». À côté de lui, Heredia est « banvillien de langage, donc imitateur de M. Hugo par ricochet et à la seconde impuissance ». Il range à côté d’eux Alexandre (sic) Coppée : « si M. Coppée, ce Janus poétique, est un Hugo par devant, il n’est qu’un Banville par derrière… Mais le vrai poète n’existe pas, dans l’entre-deux ».

Décidément ces Médaillonets ne sont pas très ressemblants. Barbey d’Aurevilly ne paraît pas bien connaître les hommes, ni les œuvres : qui reconnaîtrait Dierx dans ce portrait ? « imitateur à quatre faces, mais qui, comme la plupart des poètes de ce recueil, dont le caractère est d’être magistralement ennuyeux, répand l’ennui par plus de dix ». Arrêtons-nous devant le médaiMonet de Leconte de Lisle, qui est moins bâclé. B. d’Aurevilly lui en veut, « parce que le système tue en lui le vrai poète qui peut-être y est ».

  1. Le Nain jaune du 27 octobre au 14 novembre 1866 ; cf. Lepelletier, Verlaine, p. 197.