Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
HISTOIRE DU PARNASSE

Un autre, et non des moindres, n’ayant pas su apercevoir les fautes de Dierx, s’imagine que ses vers sont uniformément impeccables[1]. Mais seuls sont infaillibles Leconte de Lisle, Théophile Gautier et Heredia ; les autres parnassiens, même Dierx, font plus ou moins de fautes, mais ils en font. Il y a, surtout au début de son œuvre, des à peu près, comme celui-ci :


Son regard souverain, en un splendide essor,
Sur la ville en rumeur et sur son peuple immense
S’abaissait[2].


On pourrait même signaler dans sa poésie des incursions de la Musa pedestris :


Quand l’œil fit autrefois éclosion sur terre
Dans un frêle organisme encor rudimentaire[3] ;


Ce ne sont pas deux vers, mais deux lignes de prose rimées. Non, il n’y a pas chez Dierx une perfection continue ; mais ce n’est pas juger un poète que de l’éplucher. Il s’agit de savoir si le meilleur de son œuvre est bon, si, quand Dierx se surpasse, il arrive à une véritable grandeur ; or, il a des moments de réussite parfaite, où l’on ne sait ce qu’il y a de plus admirable, la forme ou l’idée. Il a un système d’harmonie par échos, comme une sorte de canon, la fin d’une strophe devenant le début de la suivante, ou encore la fin d’un vers recommençant au vers suivant ; c’est un peu l’effet d’un pantoum dont on aurait desserré les chaînes. L’effet est exquis dans ce Soir d’Automne que Remy de Gourmont déclare « une merveille de fluidité automnale » ; de beaux rythmes alanguis rendent la lassitude des choses :


Un souffle lent répand ses dernières caresses…[4]


C’est, je pense, Verlaine qui, le premier, a découvert le secret de cette harmonie : le retour périodique d’un vers qui est comme un refrain presque imperceptible : « Dierx promène, en écoliers buissonniers, plusieurs vers dans la même pièce, comme un improvisateur au piano, qui laisse errer plusieurs note ?, toujours les

  1. Nordau, Vus du Dehors, p. 113.
  2. Œuvres, I, 29.
  3. Œuvres, I, 120.
  4. Œuvres, 1,152,169-171 ; Promenades Littéraires, V, 56.