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HISTOIRE DU PARNASSE

et plus loin :


Aux reflets des vitraux la tombe réjouie,
Sous cette floraison toujours épanouie,
D’un air doux et charmant sourit à la douleur[1].


M. Henri de Régnier retrouve un écho des tercets de Gautier dans le Vitrail des Trophées ; la verrière a vu jadis les barons et les grandes dames s’incliner sous la main du prêtre avant de partir pour la chasse ou la croisade :


Aujourd’hui, les seigneurs auprès des châtelaines,
Avec le lévrier à leurs longues poulaines,
S’allongent aux carreaux de marbre blanc et noir ;

Ils gisent là sans voix, sans geste, et sans ouïe,
Et de leurs yeux de pierre ils regardent sans voir
La rose du vitrail toujours épanouie[2].


Ce n’était ni un plagiat ni un emprunt > Heredia faisait à Gautier l’honneur d’évoquer sa mémoire en un coin de sa mosaïque ; il gardait un reconnaissant souvenir au maître qui, d’un mot, avait su le rappeler au respect de la règle : Heredia avait publié dans La Revue Française des sonnets aux-rimes irrégulières ; « Théophile Gautier, avec sa bonhomie gouailleuse, paternelle et magistrale, daigna me dire : — Comment ! Si jeune, et tu fais déjà des sonnets libertins ! — Et c’est pourquoi je n’en fis et je n’en ferai plus jamais[3] ». Serment de poète !

Ce talent docile entre, vers 1864, à l’école de Leconte de Lisle[4]. Là encore, c’est le coup de foudre, sans tutoîment. Heredia se dilate dans l’amitié du Maître, épanoui, exubérant, remplissant de sa joie le petit salon du boulevard des Invalides. Il est jeune, il est beau ; il est riche, puisque sa mère a cinquante mille francs de rente. Il en profite pour rendre, très discrètement, quelques services d’argent à Leconte de Lisle, aux heures difficiles[5]. Le Maître accepte, parce qu’il y a entre eux une réelle amitié, restant très déférente de la part de l’élève.

Que Heredia soit le disciple de Leconte de Lisle, Catulle Mendès est à peu près seul à le nier : uniquement préoccupé de grignoter

  1. Poésies, II, 4-5.
  2. H. de Régnier, ibid.
  3. Ibrovac, p. 78.
  4. Calmettes, p. 210 ; Ibrovac, p. 42-43.
  5. Calmettes, p. 209 : Ibrovac, p. 135.