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XXVII
INTRODUCTION

ger ainsi : Leconte de Lisle et ses amis, par un ennemi[1]. Je ne donnerai ici qu’une preuve de l’esprit de dénigrement qui anime Calmettes quand il parle de son héros : il risque ce paradoxe terne, que ce n’est pas Leconte de Lisle qui a fait le Parnasse, mais les Parnassiens qui ont fait de lui un Maître[2]. Calmettes a une intolérance philosophique, une brutalité de pensée qui le font tomber dans l’erreur matérielle : ne s’avise-t-il pas d’affirmer que « Lamartine, le doux chantre d’Elvire, l’auteur de romances pour les anges, n’était dans la pratique de la vie qu’un athée charnel[3] ». Il a d’autres erreurs, plus massives encore ; il a pour les dates une indifférence gênante : il ne les donne presque jamais ; quand par hasard il en fournit une, elle est fausse : il raconte que, vers 1893, à une reprise de Ruy Blas, Leconte de Lisle, passant près du théâtre, est salué par Ernest d’Hervilly, alors au Rappel, et qui vient pour un compte rendu de la représentation : « Ah ! ricane Leconte de Lisle, vous allez voir le domestique ! » d’Hervilly raconte le mot à ses confrères, qui le rapportent à Maurice et à Vacquerie : « par eux, il arriva jusqu’au Maître[4] ». Mystère et occultisme ! Tout le monde, en effet, sauf F. Calmettes, se rappelle que Hugo est mort en 1885. Nous conclurons avec Barrès : « volume très renseigné, mais bien fâcheux par sa complaisance à recueillir des anecdotes salissantes… On fait tout dire à des anecdotes, et vraiment elles ne nous renseignent que sur celui qui les raconte[5] ».

Est-ce le cas de M. J.-J. Brousson ? Son premier volume a été accueilli avec curiosité, et froideur. On trouvait mauvais que le jeune confident fît de son « bon Maître » un affreux bonhomme. Les lecteurs les plus indulgents se rappelaient le vers d’Horace :


Quum flueret lutulentus, erat quod tollere velles.


D’autres pensaient que s’il y avait simplement cinquante pour cent de vérité dans ce livre, Anatole France était odieux, mais que le livre lui-même ne valait pas plus cher, à moins qu’il n’y eut quelques circonstances atténuantes : il y en a[6]. L’itinéraire de

  1. Cf. la dédicace, les pages 62-63, 153-154 et passim.
  2. Ibid., p. 150.
  3. Ibid., p. 282.
  4. Ibid., p. 317-318.
  5. Revue Bleue du 12 juillet 1902, p. 38.
  6. La défense d’A. France a été prise par M. Pierre Calmettes dans Le Mercure de France du Ier mai 1929, p. 550-578 : Anatole France et Le Voyage en Argentine. L’article n’est pas très probant. Cf. N. Ségur, Revue de France, 15 septembre 1929, p. 247.