Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
HISTOIRE DU PARNASSE

quer que son admiration est partagée « par tous les vrais poètes du théâtre en notre temps, depuis Th. Gautier et Théodore de Banville jusqu’à M. Catulle Mendès[1] ». Enfin, cherchant à son cher Parnasse des ancêtres qualifiés, il en découvre un à qui personne, je pense, n’avait encore songé : « ce n’est point faire injure, sans doute, à Sully-Prudhomme, François Coppée, André Lemoyne et bien d’autres, de leur dire qu’ils sont, eux aussi, les petits-fils de La Fontaine,… tant ils sont, comme lui, franchement et simplement français[2] ».

Son obligeante camaraderie envers tous les Parnassiens, se mue en amitié respectueuse devant Sully Prudhomme, et en véritable culte pour Leçon te de Lisle[3]. Peut-être pourrait-on même découvrir dans les théories artistiques de Lafenestre quelques reflets de la pensée du Maître : ne trouve-t-on pas un écho de sa haine pour le moyen âge dans cette oraison funèbre de l’art païen : « la religion nouvelle, en maudissant la nature extérieure comme pernicieuse et corruptrice, détourna peu à peu ses adhérents d’une contemplation dont les jouissances éphémères et vaines les exposaient aux tortures de l’éternelle damnation. Les dieux de marbre, les déesses de bronze, les héros de porphyre, dont la foule éclatante avait, durant huit siècles, peuplé les villes en fête, descendirent l’un après l’autre de leurs autels dans la boue, et de leur gloire dans l’oubli. Ce qui ne fut pas brisé par la haine fut anéanti par l’indifférence. Quand les Barbares, à l’Occident, quand les Iconoclastes à l’Orient, eurent accompli côte à côte leur stupide besogne, la nuit du moyen âge put s’étendre sur l’Europe[4] ». Le Maître approuve, certes, cette façon de comprendre l’histoire, mais la conscience de son disciple reste libre : si l’on veut trouver la vraie pensée religieuse de Lafenestre, il faut lire, au début de son Saint François d’Assise, sa protestation contre l’ignorance, ou le parti pris, de ceux qui, durant le xviiie siècle, ne découvrent à Assise et n’admirent que Properce et Métastase : « aucun ne semble se douter qu’au Moyen Âge un autre chantre d’amour, mais d’un amour plus pur et plus profond, d’un brûlant amour pour la nature entière, pour toutes les créatures et pour leur Créateur, avait, sur ce même sol, dans

  1. Molière, p. 182.
  2. La Fontaine, p. 207.
  3. Theuriet, Souvenirs, p. 228 ; Monval, Correspondant du 25 septembre 1927, p. 819, 825, 836, 840.
  4. Maîtres Anciens, p. 1-2.