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LE PARNASSE

C’est la jolie réussite, sans une tache. La forme est irréprochable, et pourtant le bon Parnassien fera plus d’une retouche à sa chanson quand il la replacera dans ses œuvres, ainsi qu’à tout le reste de son envoi : Hymne, Les Pigeons de Saint-Marc, Dieux mourants, L’Ébauche[1]. Dans une monographie sur Lafenestre, il faudrait insister sur les corrections de cet artiste scrupuleux, notamment dans L’Ébauche. Cette pièce pourtant, dès sa première publication, est superbe, toute parnassienne. On y trouve un reflet de ses études d’art. Une école poétique ne serait pas complète si elle n’avait pas son peintre et son critique d’art, l’un pour rendre sa plastique, l’autre pour l’enrichir de théories sur les rapports de la poésie avec la peinture ou la sculpture. Pour son propre compte, Lafenestre a le courage de souder son œuvre poétique à son œuvre critique ; chez lui le savant ne rougit pas du poète. Aussi met-il en tête de La Vie et les Œuvres du Titien quelques tierces rimes :


Donne-nous donc un peu de ta sérénité,
Réchauffe, en nos cœurs froids, la soif de vivre éteinte,
Aux salubres splendeurs de la réalité ;

Car, aussi bien, l’effort lasse moins que la plainte,
Et tant gémir est lâche, alors que, sous les cieux,
Toujours neuve, toujours vivante, toujours sainte,

Aujourd’hui comme hier tranquillisant nos yeux
Par l’éclat des effets sur la bonté des causes,
Brille, comme en ton œuvre aux lointains radieux,

L’éternelle beauté des êtres et des choses.


Chez Lafenestre le poète aide le savant à comprendre les peintres. Le Parnassien, ami de Banville, donne un bon coup d’épaule à Rochegrosse : dans ses Salons, il consacre au débutant, qui n’a qu’une troisième médaille, beaucoup plus de lignes qu’aux secondes médailles ; il lui décerne des éloges où l’on sent une active sympathie[2].

Lafenestre n’oublie jamais qu’il est du Parnasse, surtout quand il fait de la critique littéraire. Il écrit sur Gautier les pages les plus curieuses qui aient jamais été consacrées au bon Théo[3]. Quand il défend la virtuosité technique de Molière débutant, il fait remar-

  1. Œuvres, p. 163, 267, 265, 288.
  2. Livre d’Or du Salon, 4e année, p. 14-15 ; 5e année, p. v-vi, 3-4.
  3. Artistes et Amateurs, p. 121, sqq.