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XXIX
INTRODUCTION

testé contre ses paroles, fidèlement rapportées[1]. Cette collection de confidences passionnées est précieuse pour notre sujet.

Après ces dépositions de témoins ou d’intéressés, il y aurait un grand nombre d’études littéraires à énumérer. On trouvera les plus curieuses indiquées dans la bibliographie ou dans les notes. J’ai tâché d’en extraire le meilleur. Citons à part deux ouvrages intéressants, dûs à des étrangers. M. Fernand Desonay vient de publier, dans la Bibliothèque de l’Université de Louvain, Le Rêve hellénique chez les poètes parnassiens[2]. Ce titre seul indique que l’auteur ne croit pas à la réalité de l’hellénisme du Parnasse. Il admet celui de Louis Ménard, mais il en exagère l’influence sur Leconte de Lisle ; il fait de l’auteur des Poèmes antiques un simple élève du maître en hellénisme, répétant une leçon péniblement apprise, de façon imparfaite, « à la façon d’un perroquet ». M. Desonais s’appesantit, s’acharne sur Leconte de Lisle. Il ne veut voir en lui qu’un créole, incapable de comprendre la lumière grecque autrement que comme un reflet des tropiques. Il le trouve exagéré, emphatique, douceâtre, doucereux, inintelligent ! Le Manchy n’est qu’un « bariolage ». On serait tenté de fermer là le livre, pensant qu’il n’y aurait pas grand profit à continuer. Pourtant il serait dommage d’ignorer ce que M. Desonais pense de J.-M. de Heredia : les Trophées ne sont pour lui « qu’une audacieuse mystification. Comme coloriste, Heredia enlumine des images d’Épinal ! »

M. Desonais réserve toute sa sympathie et son admiration pour A. France. Il l’interprète du reste à sa façon. Pour lui, l’auteur des Noces Corinthiennes a essayé « de comprendre la beauté sévère de la doctrine de la souffrance… À ce titre, il mériterait déjà le respect unanime ». Seulement, pour en arriver à cette conclusion, l’auteur du Rêve hellénique est obligé d’interpréter les textes, de les solliciter même, car il trouve une certaine « mélancolie résignée » dans le vers final des Noces Corinthiennes, au Parnasse de 1876 :


Réjouis-toi, Dieu triste à qui plaît la souffrance.


Il ne faudrait pas en conclure que ce livre est un simple coup de pistolet pour ameuter quelques lecteurs. L’auteur, au contraire,

  1. Seul, je crois, un écrivain, simplement nommé, par Maurice Barrès dans l’Enquête, p. 21, M. André Maurel, émet des doutes sur l’infaillibilité de M. Huret, dans ses Souvenirs d’un écrivain, p. 122.
  2. Louvain. Uystpruyst, 1928.