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LE DISPERSION

Pour lui enfin, qui a gardé le culte des spéculations mathématiques, il ne trouve pas que le Parnasse soit une société de pensée[1]. Ils songent trop à la forme, et lui, il attache plus d’importance à la profondeur d’une idée qu’à la richesse de sa surface. Dès 1866, devant Coppée, il blâme discrètement l’abus des ciselures parnassiennes : dans Le Reliquaire, « ce qui me plaît, dit-il, n’est peut-être pas ce qui vous a valu le plus d’approbation, car je m’attache aux sentiments les plus simples, à l’expression la moins tourmentée, tandis que la science des procédés semble préoccuper surtout les poètes actuels ; je me garde de critiquer des tendances qui ont leur raison d’être, mais je vais où me portent les miennes[2] ». Il va vers la sortie, discrètement, et part sans bruit, parce que Leconte de Lisle est là ; mais, après la mort du Maître qu’il vénérait, il fait claquer la porte au nez des Parnassiens : « vous me prenez pour l’un d’eux, écrit-il à M. A. Boschot dans une lettre ouverte… Je vous mets au défi de m’attribuer, en le désignant, aucun des caractères par lesquels vous classez les poètes que vous nommez parnassiens. J’en appelle à ceux-ci mêmes… Consultez-les, ils vous l’attesteront volontiers. Le Parnasse, proprement dit, est un recueil éclectique de poésies publiées par Lemerre… Je compte parmi les collaborateurs du Parnasse, j’en suis fier ; mais je suis très loin d’être un parnassien au sens que vous et la plupart des critiques présents vous imposez à cette dénomination. Il y a là une confusion… dont je commence à m’impatienter un peu[3] ». Sa position est très nette : il en a assez du Parnasse et de ses habitants, mais il reste fidèle à Leconte de Lisle : pourquoi ? parce que le Maître était un admirable conseiller ; Gaston Paris nous a expliqué sa méthode : c’était un conducteur incomparable, parce qu’il ne faisait pas suivre à ceux qu’il guidait sa route à lui : il étudiait leur genre personnel, et leur donnait ensuite des conseils appropriés à leur originalité, leur permettant ainsi de donner toute leur valeur propre : ses indications claires, lucides, développaient la poésie personnelle chez Sully Prudhomme[4]. C’est de cela que le soldat reste reconnaissant au chef. Même séparé pratiquement du Parnasse, il continue à admirer la technique du Maître ; à un jeune poète qui se permet des nouveautés en métrique, il conseille, en

  1. Monval, ibid., p. 818 ; Henri Morice, p. 379-380.
  2. Monval, ibid., p. 820 ; cf. Clair-Tisseur, Modestes Observations, p. 204.
  3. Testament, p. 108-109.
  4. Revue de Paris, Ier janvier 1896, p. 95.