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HISTOIRE DU PARNASSE

1882, d’étudier dans Leconte de Lisle « les conditions d’un vers accompli » ; c’est-à-dire de suivre son propre exemple ; car, si pour le fond des choses il est resté original, pour la forme il a subi profondément l’influence de Leconte de Lisle et de son école[1]. C’est là, suivant lui, l’essence même de la doctrine parnassienne : à un banquet de gens de lettres où il célèbre leur union malgré la diversité complète de leurs tempéraments, il indique nettement, fortement cette thèse : « le Parnasse, qui est devenu à l’insu de beaucoup de ses collaborateurs comme au mien, une profession de foi, témoigne de cette diversité, en même temps qu’il atteste notre unanime accord dans l’observation de la technique traditionnelle, dans le respect des lois organiques de l’art des vers[2] ». C’est en ce sens qu’il continue à reconnaître la maîtrise de Leconte de Lisle : en mars 1884, au banquet offert à Coppée élu à l’Académie, Sully Prudhomme lui rappelle que leur amitié dure depuis vingt ans, « depuis le jour où nous nous sommes rencontrés chez notre admirable maître…[3] ». Ce jour-là, il disait son admiration pour le Maître encore vivant ; sa reconnaissance survécut à Leconte de Lisle : « j’appris à cette école que la richesse et la sobriété sont données toutes deux à la fois par la seule justesse. Le mot juste prit à mes yeux toute sa valeur, et je résolus aussitôt de m’appliquer à bannir de mes vers ces qualificatifs vagues, trop généraux, qui ne sont que des chevilles, pour n’y conserver que ceux qui s’imposent. Voilà la leçon que je dois au chef de ce groupe de débutants dont la plupart allaient bientôt s’appeler les Parnassiens, nom que j’ai porté aussi, et que je serais bien ingrat de renier aujourd’hui[4] ».

Il a raison d’oublier son moment d’impatience et de reconnaître sa dette. Il doit au Parnasse le culte de la forme, sa superstition presque, puisqu’il a cru même au mérite de la difficulté vaincue[5].

Il n’a jamais mieux écrit que pendant sa période parnassienne : avant, so 1 style est vague, impropre, et son rythme est monotone ; après, il est plus philosophe que poète, il ne craint pas suffisamment l’obscurité et la cacophonie[6]. Jules Tellier le trouve grand

  1. Supplément littéraire du Figaro, 29 août 1925 ; Gaston Paris, Revue de Paris, ibid., p. 89.
  2. Testament, p. 298.
  3. Lescure, François Coppée, p. 461.
  4. Testament, p. 22.
  5. Testament, p. 23 ; Clair-Tisseur, Modestes Observations, p. 171.
  6. Henri Morice, p. 398.