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XXXII
HISTOIRE DU PARNASSE

cher par un commun sentiment de la solitude[1]. Enfin M. Gregh, dans sa première leçon sur V. Hugo, range l’auteur des Poèmes Barbares dans « la génération de ses disciples, dont chacun voulait l’admirer « comme une brute », la génération de Gautier, de Banville, de Leconte de Lisle[2] ». M. Gregh affirme, mais ne donne pas de preuves.

Pour être complet, ajoutons à la critique littéraire la critique politique. M. Léon Daudet assure, à sa manière ordinaire, que Hugo finit à Leconte de Lisle, et que le flot romantique, « partant de Hugo, vient, par Gautier, Vacquerie et les disciples moindres, mourir à Leconte de Lisle (brr, passez-moi mon paletot !) et au ciseleur de néant, Heredia[3] ».

D’où peuvent provenir de pareilles erreurs ? D’un fait incontestable : il y a eu au Parnasse des partisans de V. Hugo. Sans tenir compte de Théodore de Banville qui, nous le verrons, est peu à peu dépossédé de son influence et supplanté par Leconte de Lisle, il est certain que Mendès, pendant longtemps, est une puissance au Parnasse, et qu’il est hugolâtre. Dans son Rapport de 1902, il vibre d’enthousiasme pour Hugo, et blâme feu Leconte de Lisle de ne pas vibrer à l’unisson. Il reconnaît pourtant que le Parnasse a renié Hugo ; il en rend responsables trois grands renégats qui enveloppèrent leur reniement « des plus parfaites apparences de respect et d’admiration envers l’œuvre et la gloire de V. Hugo[4] ». Il désigne très clairement Leconte de Lisle et Baudelaire ; quant au troisième renégat, Mendès s’enveloppe de brume, tel un dieu antique dans la mêlée : ce ne peut être Théodore de Banville, qui n’a jamais varié dans son hugolâtrie ; il faut donc supposer que, gendre respectueux, Mendès s’en prend sournoisement à son beau-père, « l’irréprochable Théophile Gautier[5] ». L’hypothèse n’a rien d’invraisemblable, car on sait que Théo s’est détaché du romantisme, et à quelle date[6]. Quant à l’hostilité de Leconte de Lisle, pour être diplomatique, elle n’en est pas moins vive, et Mendès a raison de dire, sans trop de mystère : « Ce reniement…, un seul d’entre eux

  1. Une forme du mal du siècle, p. 304 ; cf. Mme Alphonse Daudet, Journal de famille et de guerre, p. 62-63.
  2. Fondation V. Hugo, Bulletin trimestriel, décembre 1927, I, 60.
  3. Études et milieux littéraires, p. 6 ; cf. Maurras, Barbarie et Poésie, p. 24.
  4. Rapport, p. 89-90.
  5. Rapport, p. 93.
  6. Cf. mon Histoire du Romantisme, II, 254.