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XXXIII
INTRODUCTION

le publia, en termes voilés d’ailleurs, dans une préface qu’il rétracta plus tard en évitant de la rééditer… Mais malgré ce qu’il gardait de religion extérieure, ce reniement n’en existait pas moins, assez féroce[1] ». Puis Mendès s’éloigne de la vérité, et fait de la critique tendancieuse, quand il essaye de montrer le Parnasse refusant de suivre Leconte de Lisle dans son apostasie, et persévérant avec lui, Mendès, dans l’orthodoxie hugolâtre : « ce sera la gloire du Parnasse de s’être toujours tourné vers le Père de toute la poésie moderne qui était là, bien qu’il ne fût point là, et qui reviendrait triomphalement[2] ». Xavier de Ricard rectifie, avec une tranquille fermeté, l’audace de son collaborateur : sans doute il y a au Parnasse des romantiques, ou, comme dit Mendès, des néo-romantiques, mais ils ne sont qu’une minorité, et la majorité est en opposition avec le romantisme[3]. Sur la question Hugo majorité et minorité ne s’entendent qu’une fois, dans un commun mouvement d’opposition politique, quand, à l’Exposition de 1867, l’Empire permet la reprise d’Hernani. Grâce à Vacquerie, tous les habitués du Passage Choiseul sont casés à la troisième galerie, et leur tumulte fait écho aux rafales d’enthousiasme qui montent du parterre ; Mérat, Verlaine, Coppée, Valade, Mendès, Cazalis, Villiers de l’Isle-Adam, se font remarquer par leur délire. Theuriet pour sa part applaudit avec tant de frénésie que pendant trois jours il a mal à la paume des mains. Le lendemain, les Parnassiens se réunissent au café Bobino pour signer une adresse à Hugo : le manifeste exprime à l’Exilé leur joie du triomphe d’Hernani, leurs regrets de son absence, leur admiration sans bornes ; il est signé par Coppée, Dierx, Heredia, Lafenestre, Mérat, Armand Silvestre, Sully-Prudhomme, Theuriet. La plupart des journaux le publient ; La Liberté, après avoir reproduit les noms des signataires, ajoute dédaigneusement :


Si j’en connais pas un, je veux être pendu !


En retour, Hugo remercie, par une lettre collective, ceux qui sont « la couronne d’étoiles de son ciel poétique », et adresse sépa-

  1. Rapport, p. 90.
  2. Rapport, p. 118.
  3. Le Petit Temps du 17 novembre 1898 ; cf. Jean Aicard, Figaro du 26 mars 1887.