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HISTOIRE DU PARNASSE


Après le Carrousel torride et son asphalte.
Il est doux, par les jours trop chauds, d’y faire halte,
Car la sérénité des vieux marbres d’Hellas
Rafraîchit le flâneur respectueux et las,
Et lui verse dans l’âme une paix infinie[1].


Se moque-t-il des dieux antiques ou de leurs néo-adorateurs ? Ne va-t-on pas se méfier de lui ? N’y aurait-il pas quelque chose dans l’air ? D’après Calmettes, ses lectures chez Leconte de Lisle n’ont eu qu’un succès d’estime ; la facture seule a pu faire passer le fond des choses, l’inspiration n’en étant pas considérée comme assez parnassienne. Est-ce que Coppée, lui aussi, ne serait plus de la maison ?

Il y a, en effet, quelque chose. Coppée a lu devant l’aréopage une sorte de dialogue dramatique, d’idylle à deux personnages. Les vers peuvent passer, mais la pièce est jugée trop peu scénique pour être jamais représentée[2]. On la joue pourtant à l’Odéon, grâce à la bonne Agar, le 14 janvier 1869, et c’est le succès, le triomphe du Passant[3]. Les spectateurs de la première éprouvent un ravissement qu’Alphonse Daudet décrit, en ami et en poète : la salle subit « le charme de cette œuvre fortifiante et saine, comme si l’on eût secoué sur elle, dans son atmosphère raréfiée, quelque essence fraîche et piquante à respirer, un élixir de vie parfumé au thym des collines[4] ». Le lendemain, Théophile Gautier écrit un feuilleton enthousiaste[5]. Coppée, joyeux et confus, est bien obligé de reconnaître que son nom vient d’être doré d’un rayon de gloire : « le 14 janvier 1869, à neuf heures du soir, j’étais un petit employé des bureaux de la Guerre, et il me manquait toujours quarante sous pour équilibrer mon budget. À neuf heures et demie, on avait joué Le Passant, et j’étais une sorte de personnage[6] ». Il était maintenant « l’auteur du Passant », et, comme tel, invité chez la princesse Mathilde[7]. Il devait même rester l’auteur du Passant pour les

  1. Parnasse de 1876, p. 83-85.
  2. Calmettes, p. 172.
  3. Coppée, Souvenirs d’un Parisien, p. 91 ; Duquesnel, Souvenirs Littéraires p. 281-282.
  4. Le Nabab, ch. xxv ; cf. Jacques Normand, L’Armoire aux Souvenirs, p. 129-130.
  5. Officiel du 18 janvier 1869, p. 69.
  6. Mon Franc-Parler, III, 122.
  7. R. D. D.-M., Ier novembre 1925, p. 47 sqq.