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LE DISPERSION

Rédemption[1]. Au Parnasse de 1869, il donne des Promenades, et des Intérieurs : l’un d’eux est une de ses plus jolies réussites :


J’écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là…
Ma mère, sois bénie entre toutes les femmes[2].


Ce pur bijou doit nous rendre indulgents pour le dizain qu’il a eu le bon goût de ne pas reproduire dans ses œuvres. Citons-le donc, puisque c’est une concession, malheureuse, au goût du Parnasse pour la Grèce :


Les dieux sont morts. Pourquoi faut-il qu’on les insulte ?
Pourquoi faut-il qu’Hellas et que son noble culte
Ne puissent pas dormir de ce sommeil serein
Que prêta le pinceau classique de Guérin
Au Roi des Rois vers qui rampe le noir Egiste ?
Pourquoi faut-il enfin qu’un impur bandagiste
Donne à l’Hercule antique un infâme soutien,
Des bas Leperdriel à Phœbus Pythien,
Et, contre la beauté tournant sa rage impie,
Pose un vésicatoire à Vénus accroupie[3] ?


Comment Leconte de Lisle et Louis Ménard ont-ils laissé passer cette parodie ? Près de cela, qu’est-ce que La belle Hélène ou Orphée aux Enfers ! Et pourtant Coppée récidive : au Parnasse de 1876, il donne un pendant au Banc : il conte les amours d’un rapin et d’une copiste de tableaux,


Sous la protection du regard indulgent
Des dieux grecs qui gardaient leurs poses sculpturales
Et songeaient aux amours naïfs des pastorales.


Ce n’est plus tout à fait la parodie’ trop grosse de tout à l’heure, mais quelle ironie !


Un jour, — pardonnez-moi ce crime, ô grands plastiques ! —
Un jour, je promenais dans le Louvre, aux Antiques,
Mes rêves d’art intime et de modernité.
Le Musée est très frais et très calme, en été.


  1. Poésies, 1864-1869, p. 61, 7, 46, 43, 36.
  2. Poésies, 1869-1874, p. 110.
  3. Parnasse de 1869, p. 230. C’est ce que M. Desonais appelle « un hellénisme gouailleur
    d’une saveur toute spéciale » ; Le Rêve hellénique, p. 66.