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LE DISPERSION

groupe[1]. En un mot, il a tous les préjugés de la première équipe du Parnasse[2].

Il agrée d’abord à Leconte de Lisle, car il arrive déjà tout féru de bouddhisme ; à peine bachelier, il se distrayait à lire le Ramayana. Pour complaire à l’auteur de La Maïa, il n’a qu’à lui répéter sa formule admirative d’autrefois : « Par Indra ! Que c’est beau, et comme ça vous dégotte la Bible, l’Évangile, et tout le vomissement des Pères de l’Église[3] ! » Comment ne pas tendre la main à un disciple qui pousse la dévotion pour le Maître jusqu’à porter lui-même un monocle[4] ?

Au Parnasse de 1866, le nouveau séide reprend avec enthousiasme Les Montreurs dans un sonnet, Vers dorés, qui n’a pas été reproduit dans ses œuvres[5] :


L’art ne veut point de pleurs et ne transige pas,
Voilà ma poétique en deux mots : elle est faite
De beaucoup de mépris pour l’homme, et de combats
Contre l’amour criard……………

… Ceux-là sont grands en dépit de l’envie,
Qui, dans l’âpre bataille ayant vaincu la vie,
Et s’étant affranchis du joug des passions,

Tandis que le rêveur végète comme un arbre,
Et que s’agitent, tas plaintif, les nations,
Se recueillent dans un égoïsme de marbre.


Toutes les autres pièces de son envoi ont été recueillies dans les Poèmes Saturniens, sans aucune correction : Il Bacio, Dans les Bois, Cauchemar, Suburbe, Marine, Mon Rêve familier, L’Angoisse[6]. Verlaine croit donc avoir atteint sa perfection. Tel n’est pas l’avis de Barbey d’Aurevilly, qui lui consacre un Medaillonnet peu flatté : « un Baudelaire parisien, combinaison funèbrement drolatique, sans le talent net de M. Baudelaire, avec des reflets de M. Hugo et d’Alfred de Musset ici et là, tel est M. Paul Verlaine. Pas un zeste de plus ».

  1. G. Simon, Revue de France, Ier octobre 1924, p. 503 ; Gourmont, Promenades, I, 185 ; Verlaine, Œuvres, IV, 277-280, 307-308 ; Lepelletier, Verlaine, p. 452-456 ; Poizat, Le Symbolisme, p. 109.
  2. A. France, La Vie littéraire, III, 311.
  3. Lepelletier, Verlaine, p. 94.
  4. Œuvres, V, 132.
  5. Cf. Montel, Bibliographie de Paul Verlaine, dans le Bulletin du Bibliophile, 1924, p. 515.
  6. Œuvres, I, 54, 55, 19, 47-48, 21, 15, 17.