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HISTOIRE DU PARNASSE

sans examen : L. Ackermann, Banville, Blanchecotte, Breton, Coppée, Dierx, des Essarts, France, Heredia, d’Hervilly, Lacaussade, La Fenestre (sic), Laprade, Lemoyne, Manuel, Marc Monnier, Mérat, Ratisbonne, L. Siefert, Soulary, Sully Prudhomme, Theuriet, Valade ». Voilà les vingt-trois élus, sans compter Leconte de Lisle bien entendu.

Mais le Comité n’est pas omnipotent. Ainsi Retaï, reçu à l’unanimité, ne figure pas dans le Parnasse, tandis qu’une douzaine de poètes sur lesquels on n’a pas délibéré, sont acceptés. On se demande parfois pourquoi tel ou tel apparaît dans ce recueil officiel, quand, ni par son talent ni par son genre, il n’appartient à l’Ecole. Ce doit être l’éditeur qui procure cette réclame à un de ses édités ; Lemerre en effet, n’a pas abdiqué ses droits entre les mains du Comité : à la page 328, il publie une note en l’honneur de Saint-Cyr de Rayssac, poète inconnu, mort en 1874 : « les poètes vivants nous approuveront d’avoir fait une place parmi eux à un confrère qui, dans sa vie trop courte, ne publia rien de son œuvre ». Anatole France, lecteur chez Lemerre, insiste sur l’admission de Saint-Cyr, recommandé par le patron ; il n’est pas tout à fait indépendant comme ses deux collègues : pour Le Mouchoir Rouge de Salles, il refuse d’abord l’envoi : « ce n’est ni normand, ni français » ; puis, au vote, il change son non en oui. Salles ne figure pas sur la liste des proposés, et pourtant Le Mouchoir Rouge est publié. Au-dessus du Comité, il doit donc y avoir une Cour d’Appel que je suppose composée de Leconte de Lisle et d’Alphonse Lemerre. L’art seul n’est pas en jeu : il y a un peu de cuisine. On a pour la presse une indulgence intéressée : France vote pour Blémont parce qu’il est journaliste.

Dans ce Comité, France est dur, tranchant, et autoritaire : pour Charles Cros, il vote non, et pose la question de confiance : « je serais contraint de retirer mon envoi si le sien était admis ». Pour Prarond, l’indulgent Banville admire : « tout son envoi me paraît très remarquable ». France réplique : « Non. C’est ennuyeux comme la pluie ». Et Prarond est refusé, justement. Ici, comme dans tous les jurys, il y a l’examinateur bon enfant, providence des cancres ; un autre que les candidats refusés déclarent « rosse » ; un troisième qui est dans le juste milieu, et c’est François Coppée.

Quant aux candidats reçus, ils se livrent à une manifestation. Les amours-propres sont excités ; la jalousie littéraire fait un effort,