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LE DISPERSION

est de dire rudement la malplaisante vérité, se lève comme malgré lui, et, le bras tendu, apostrophe violemment le camarade Stéphane ; il lui crie : « Mallarmé, savez-vous où cela mène, l’abus du non-dire pour le délire, le délire de l’indirect, du non-proche, et du non-concret ? Cela mène à la folie ». Du coup, une angoisse rend l’air du salon très lourd ; Mallarmé fait semblant de n’avoir rien entendu. Le maître de la maison, très correct, ne dit rien, mais pince les lèvres, finement, joyeusement[1]. Au fond, il doit trouver que les paysans du Danube ont du bon pour proclamer les vérités brutales.

Dédaigneusement on refuse, au Parnasse de 1876, L’Après-Midi d’un Faune[2]. Leconte de Lisle fait semblant de regretter cette décision, pour la raison suivante : ces vers étant incompréhensibles, « ils ne plairont ni ne déplairont à personne[3] ». Banville, toujours indulgent, et se rappelant que Mallarmé le plaçait dans la trinité des maîtres inaccessibles, vote oui, avec ce considérant : « peut, je crois, être admis, en dépit du manque de clarté, à cause des rares qualités harmoniques et musicales du poème ». Coppée vote non, sans phrases. Anatole France explique son vote : « Non ! On se moquerait de nous[4] ».


CHAPITRE VII
Le troisième Parnasse Contemporain

En 1876, pour faire le dernier Parnasse, il est formé un jury de trois poètes : Banville, Coppée, Anatole France[5]. Chaque juré lit de son côté les envois des artistes, résume son opinion par écrit ; puis on se réunit, et on vote. Comme au Salon, il y a les hors concours : « le comité, écrit France, considère comme devant paraître

  1. Calmettes, p. 247 ; Huret, Enquête, p. 60.
  2. Cf. la curieuse erreur de René Ghil, Les Dates et les Œuvres, p. 4.
  3. Revue, 1926, p. 486.
  4. Huret, Enquête, p. 62 ; Le Manuscrit autographe, mars-avril 1928, p. 43, 46, 51 — Cf. pourtant Alfred Poizat, Du classicisme au symbolisme, p. 181.
  5. Le Manuscrit autographe, no 14, mars-avril 1928, pages 40-53, 72-73.