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HISTOIRE DU PARNASSE

pourtant, « mais ce n’est pas bon ». Banville le prie de changer une rime faible : nette et honnête[1].

Mme Blanchecotte. Cotte, comme disent familièrement les Parnassiens. Toujours Lamartinienne ; bien vue par l’Académie Française[2].

Émile Blémont. Son très réel talent mériterait une étude à part. Il doit à Bouilhet l’idée d’aller fureter dans le livre du marquis d’Hervey de Saint-Denis, et il y trouve ses Poèmes de Chine. Il a les idées du Parnasse, son pessimisme, son irréligion. Dans un poème intitulé Le Mal, il vitupère avec emportement le Créateur, et pense que la vie future devrait être une compensation surtout pour les coquins. Au Parnasse il publie une chose charmante, La Chanson de Marthe, digne du Folk-Lore ; son art sait rester simple. Jules Tellier estime que c’est la merveille du recueil[3] :


           Je dis pour les cœurs ingénus
La chanson de Marthe aux pieds nus.
Marthe, dès l’aube, a quitté son aïeule,
Marthe aux pieds nus est aux bois toute seule.
           Les ailes vont le dire aux fleurs,
           Le matin bleu rit sous les pleurs…


Robert de Bonnières : Un beau sonnet sur la Russie :


Le meurtrier cosaque avait pour lent supplice
D’être avec la victime enseveli vivant[4]


Paul Bourget. Banville et France trouvent que son envoi est exquis. Leur enthousiasme nous étonne. M. Bourget est si grand comme prosateur qu’on s’étonne de voir ici ses vers qui ne sont ni pires ni meilleurs que la moyenne dans ce recueil :


Ô toi qui veux, touchant à la terre qui crée,
Reprendre un peu de force avant les durs combats
Et boire un coup de vin à la coupe sacrée,
          N’aime pas ! — N’aime pas.


Le Parnasse, nous l’avons vu, discute ses théories sur le style poétique avec une certaine âpreté[5]. C’est en vain que Bourget se

  1. Mendès, Dictionnaire, p. 29-31.
  2. Elle reproduit à la fin de ses Rêves et Réalités deux fort belles stances que Lamartine avait écrites sur son album, le Ier juin 1852 ; cf. Fleuriot de Langle, Revue de France, Ier avril 1929, p. 511-512 ; Journal des Savants, février 1868, p. 131-132.
  3. Nos Poètes, p. 117 ; cf. Hugo, Correspondance, II, 361 ; Mendès, Dictionnaire, p. 34)35.
  4. Mendès, Dictionnaire, p. 36-37.
  5. Calmettes, p. 166-170.