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HISTOIRE DU PARNASSE

trefois, glaive rimant avec lèvre, tiède avec cèdre[1] ; mais il garde son indépendance, et l’affirme surtout par des hiatus, la plus anodine des irrégularités :


Cette ville où jamais vous n’êtes, vous, venue,
N’est plus déjà pour moi une ville inconnue[2].


Heredia eût corrigé ainsi :


Pour moi n’est déjà plus une ville inconnue.


Mais surtout il eût approuvé le sonnet du Relieur, qui ne déparerait pas les Trophées :


Sous l’étoile terrestre et sous l’astre marin,
Chacun cherche ici-bas sa voie et son destin,
Et moi, simple ouvrier d’un art qui fait survivre,
Entre deux plats de cuir qu’un fer doré fleurit,
Serviteur à jamais de la Page et du Livre,
J’habille la pensée, et je pare l’esprit.


Le cas de M. Henri de Régnier est d’autant plus intéressant qu’il n’est pas isolé. On pourrait citer encore Albert Samain, Charles Guérin, les Rayons Croisés de Vaudoyer ; ne se croirait-on pas ramené au pur Parnasse avec les sonnets à Dionysos de C. de Laverrière[3] ? etc. Il y eut, en 1896, entre les deux écoles rivales une tentative de rapprochement, d’armistice. Nous ne la connaissons que par une lettre de Pierre Louys, adressée à un inconnu qui est peut-être M. Frédéric Lachèvre ; cet inconnu avait eu l’idée de publier un quatrième Parnasse où l’on n’aurait inséré que des poèmes en vers réguliers, mais qui pourraient être composés par des symbolistes, le tout sans manifeste contre le vers libre, sans hostilité contre les « polymorphistes » : Pierre Louys, pressenti, avait accepté en principe, mais, apprenant que Catulle Mendès refusait d’entrer dans le comité, il avait désiré quelques précisions sur le futur volume : « si, de quelque manière que ce soit, on doit donner à votre beau recueil l’allure d’une manifestation contre… Herold, Moréas ou Kahn en France, et contre Verhaeren, Maeterlinck, Elskamp ou Mockel en Belgique, j’ai des raisons d’admiration ou d’amitié qui m’empêcheraient absolument de vous suivre sur ce terrain. Je compte donc, cher Monsieur, sur votre courtoisie

  1. R. D. D.-M., 15 janvier 1896 et 16 juillet 1896, p. 199.
  2. Flamma Tenax, p. 132.
  3. H. Bidou, Revue de Paris, 15 décembre 1921, p. 861 ; Figaro du 17 décembre 1927.